Dans cet article nous proposons d’explorer une thématique importante : la gestion du cycle de vie des contrats (ou contract lifecycle management). Que ce sujet vous passionne ou non, il constitue un passage obligé pour celles et ceux qui veulent s’aventurer dans le contract management, et plus généralement pour les personnes en charge de l’organisation, des process et méthodes au sein d’une entreprise car comme nous l’indiquions dans cet article, quasiment un tiers des collaborateurs d’une entreprise intervient d’une manière ou d’une autre dans ce cycle.
Nous proposons ainsi de débuter par une définition des différentes étapes qui constituent ce « CLM », en abordant le sujet par deux problématiques qui vous permettront d’être incollable en matière de cycle de vie des contrats (et nous l’espérons, de briller en société). Dans la première partie, « Pourquoi s’intéresser au cycle de vie des contrats ? », nous plongerons dans les raisons pour lesquelles il est important de comprendre ce cycle, avant dans une seconde partie de décrire chacune de ces étapes.
A. Pourquoi s’intéresser au cycle de vie des contrats ?
Qu’on le veuille ou non, l’inflation législative et règlementaire jalonne la vie des projets, et le quotidien des affaires est de plus en plus encadré par des contrats.
Autrefois caractéristique des marchés anglo-saxons, l’omniprésence du contrat dans le business model des entreprises a gagné depuis de nombreuses années les marchés continentaux.
La gestion de ces contrats demeure toutefois balbutiante voire inexistante dans de nombreuses entreprises de l’hexagone et du vieux continent. Cette gestion de contrats, qui revêt encore trop souvent un caractère administratif, est fréquemment reléguée au second plan au sein des directions à qui cette discipline est confiée qu’il s’agisse de directions juridiques, financières ou commerciales.
Ains, si quelques entreprises ont créé des départements de contract management de haut niveau (pas de name dropping, elles se reconnaîtront), elles demeurent minoritaires dans un paysage industriel et commercial qui méconnaît les enjeux et bénéfices du contract management.
Or, pour comprendre l’intérêt de la matière, il est indispensable d’en délimiter les contours. C’est ainsi que la définition du cycle de vie des contrats prend toute son importance.
B. Les 6 étapes du cycle de vie des contrats
Au risque d’être déceptif, commençons par un aveu : il n’existe pas de découpage universellement reconnu du cycle de vie des contrats ! En effet, tandis que certains experts affirment qu’il existe 5 étapes dans ce cycle de vie, d’autres ont une vision plus microscopique du processus et y voient jusqu’à 9 étapes.
Cette absence de convergence s’explique – entre autres – par la diversité des domaines d’application des contrats… ou encore par des intérêts divergents. A titre d’exemple, les éditeurs de logiciels de CLM ont tendance à affirmer que le cycle de vie des contrats a (comme par hasard) une nombre d’étapes identique à celui des fonctionnalités de leur logiciel.
Chez Prime Conseil, aucun parti pris ! Nous n’avons par ailleurs aucun mal à reconnaître qu’en fonction des cas d’usage (type d’industrie, culture d’entreprise, processus internes, etc.) le nombre d’étapes peut varier.
Toutefois, nous avons généralement tendance à découper ce cycle en 6 phases. Nous les avions rapidement abordées dans cet article, mais suite aux nombreux échanges que nous avons entre consultants, avec nos partenaires et nos clients sur le sujet, nous nous sommes dit qu’il était temps de les aborder en détail :
1. La phase d’initialisation
Tout cycle commence par un point de départ. En matière contractuelle c’est celle de l’initialisation.
C’est au cours de cette phase que le besoin d’un contrat est identifié, souvent suite à des échanges précontractuels prometteurs. Cette étape inclut l’identification des parties, la définition des objectifs du contrat, et souvent la création d’un premier canevas (de type term sheet ou autre) avec les informations techniques ou commerciales essentielles.
Au cours de cette étape, différentes parties prenantes peuvent intervenir, y compris le contract manager dont la présence permettra de bien « initier » (d’où le nom de cette phase) le processus contractuel.
Pour illustrer cette phase avec un exemple, on peut imaginer un partenaire potentiel rencontré sur un salon professionnel avec lequel une réponse commune est envisagée dans le cadre d’un appel à projet.
2. La phase de négociation
Il s’agit certainement de la phase la plus connue et unanimement reconnue.
Au cours de cette étape, les parties cocontractantes vont échanger des points de vue, confronter des positions plus ou moins opposées, et ajuster le contenu du contrat afin qu’il reflète leur commune intention.
En pratique, il s’agit souvent d’un processus itératif où un rapport de force (bargaining power) va s’instaurer et contraindre l’une et/ou l’autre des parties à proposer, contre-proposer, argumenter, justifier et parfois imposer des modifications jusqu’à ce qu’un accord mutuel (ou un point de non-retour) soit atteint. Parfois, la loi encadre ces négociations, en protégeant la partie faible et/ou en imposant certaines règles d’ordre public auxquelles il n’est pas possible de déroger.
Pour cette phase, l’exemple classique est celui des négociations entre un fournisseur et un distributeur au cours desquelles les sujets de prix, quantités, délais de livraison, pénalités et autres sujets inhérents à la promotion et/ou à la responsabilité sont âprement discutés.
3. La phase de validation
Cette phase, assez méconnue, est souvent confondue avec la phase de signature. Il s’agit pour autant d’une étape distincte de ce cycle de vie au sens ou elle peut aboutir à une non-signature.
Nous constatons par ailleurs que cette phase, souvent négligée, est pourtant un levier formidable d’amélioration du risk management, et plus généralement de diffusion du contract management au sein d’une entreprise. En effet, cette étape de validation, qui consiste en un certain nombre de jalons d’approbation interne, va tour à tour faire intervenir des directions juridiques, financières, compliance, contrôle de gestion, etc. pour s’assurer que le contrat respecte les politiques et autres golden rules de l’entreprise.
C’est donc l’occasion rêvée pour en faire un véritable moment de partage de l’information contractuelle et de collecte des bonnes pratiques, risques et opportunités identifiées, et autres éléments qui permettront après signature une bonne exécution.
A titre d’exemple, on peut relever celui d’un grand groupe de l’aéronautique qui, pour valider chaque contrat, impose le suivi d’une fiche assurant la revue, les commentaires et la validation de nombreuses parties prenantes, en fonction des montants et sujets en question.
4. La phase de signature
Cette étape (parfois couplée à la précédente) marque la formalisation de l’accord entre les parties.
Plus qu’une simple apposition de signature sur un document, il s’agit d’une étape qui peut générer du temps (perdu), des quiproquo et autres aléas que la technologie permet aujourd’hui de maîtriser en grande partie.
En effet, CLM et autres solutions digitales de signature électronique sont désormais assez répandus, facilitant ainsi tout le flux de signature, contresignature, paraphe, etc, réduisant de ce fait le temps passé sur ces activités à (très) faible valeur ajoutée ainsi que les erreurs.
Pour illustrer cette phase, rappelez vous de l’assistant qui passait ses journées à courir derrière un parapheur et à scanner des documents.. Docusign et Yousign sont depuis passés par là, laissant l’occasion à cet assistant d’accomplir des tâches plus génératrices de valeur.
5. La phase d’exécution
Durant cette avant-dernière étape, qui pourrait selon les secteurs d’activités être divisées en plusieurs sous-étapes, les parties vont chacune honorer leurs obligations contractuelles.
C’est au cours de cette phase que surviennent les aléas projets (retards, non-conformités, modifications, etc.), et pour cette raison le rôle du contract manager est souvent réduit à cette phase, certes importante, mais assez réductrice.
Un bon suivi de cette étape implique la mise en place de processus, outils et méthodes pour assurer le suivi des performances, la gestion des paiements, la livraison des services ou des produits, et la résolution des problèmes qui peuvent survenir. Sur cette étape, les exemples sont légion !
Pour illustrer, prenons le cas d’une entreprise qui signe un contrat EPC (Engineering, Procurement et Construction) et qui, au cours du projet, doit gérer les aléas météo, la mobilisation-démobilisation consécutive à des retards d’un fournisseur, les modifications du besoin du client final, etc.
6. La phase de fin du contrat
Cela fait normalement 4 minutes que vous lisez cet article, vous avez certainement du mal à rester concentré(e) et commencez à trouver le temps long : c’est normal il est temps de conclure avec la dernière phase.
Le contrat arrive à son terme, soit par l’achèvement des termes du contrat, soit par sa résiliation. Contrairement aux apparences, cette phase n’est ni indolore, ni totalement « automatique ».
En effet, la fin d’un contrat peut engendrer de nombreuses actions, la première d’entre elles pouvant être sa reconduction au cas où les parties souhaiteraient poursuivre leurs relations contractuelles. Lorsque les chemins contractuels des parties se séparent, de nombreuses actions devront être anticipées, par exemple des actions inhérentes à la réversibilité, à la reprise des prestations, à la maintenance, au évolutions, etc.
A titre d’exemple, il n’est pas rare en matière de contrat informatiques de voir des transitions ratées entre prestataires (notamment sur des sujets de TMA entre autres sujets d’évolutivité et de maintenance) du fait d’un contract management perfectible.
Conclusion
Si vous ne deviez retenir qu’une chose après avoir lu cet article, c’est que bien connaître le cycle de vie des contrats est la clé permettant de les gérer efficacement. Pour le reste, qu’il y ait 5, 6 ou 18 étapes, le nombre d’étapes de leur cycle de vie importe peu, l’essentiel étant de trouver un découpage qui répond aux besoins et à la culture de votre organisation.
Bien sûr, impliquer un contract manager à chaque étape est essentiel pour optimiser et tirer le meilleur parti de chaque phase du contrat, garantissant ainsi une gestion plus fluide et plus efficace au service des objectifs de votre entreprise.