Tout le monde – ou presque – rêve d’avoir un contract manager dans ses équipes n’est-ce pas ? Le frein réside souvent dans le fait d’allouer un budget pour une fonction encore récente, souvent méconnue et parfois associée à tort à un centre de coût. Après tout, pourquoi investir dans un expert dont on ne mesure pas toujours immédiatement l’impact ? Pourtant, à attendre trop longtemps, le risque est grand de voir ses projets déraper, les coûts exploser et bien entendu les marges s’étioler. Alors, quand sauter le pas et intégrer un contract manager dans votre organisation ?
Dans cet article, point de recette miracle – chaque organisation étant à notre sens différente – mais nous vous proposons de répondre à la question via deux angles qui devraient vous mettre sur la voie et vous aider à trouver votre réponse : la complexité de vos activités, d’une part, et le montant de vos contrats, d’autre part. Avec ces deux critères en tête, vous pourrez évaluer si le moment est venu d’installer cette fonction clé dans votre organisation.
I. Le niveau de complexité de votre activité : terreau fertile pour le contract manager
a. Comprendre les enjeux de la complexité
Les entreprises qui évoluent dans des environnements complexes – qu’il s’agisse de projets d’ingénierie technologique, de constructions d’infrastructures ou de déploiements dans le secteur de l’énergie – font régulièrement face à une multitude de contraintes : réglementations exigeantes, risques techniques élevés, multiples parties prenantes, etc. Cette accumulation de facteurs rend la gestion de contrat particulièrement délicate.
Dans ces univers, la présence d’un contract manager prend tout son sens. Sans aller jusqu’à rappeler toute l’importance du contract management, le contract manager pourra alors intervenir à chaque étape du cycle de vie des contrats pour appréhender risques et opportunités tout au long de ces contrats complexes. Le rôle du contract manager dans ces environnements complexes va bien au-delà du simple suivi d’obligations contractuelles : le contract manager est également un facilitateur, que ce soit en interne entre les différentes équipes (techniques, juridiques, financières, etc.), mais également en externe avec l’intégralité des parties prenantes souvent nombreuses dans ces environnements.
b. Quelques exemples pour illustrer
Énergie : Imaginons un projet de construction d’une unité de production d’énergie. Les défis sont multiples : gestion de sous-traitants souvent internationaux, respect des normes environnementales, , volumes d’investissement, enjeux financiers, etc. Dans ce contexte, un contract manager expérimenté sera le meilleur allié de votre chef de projet pour prévenir les dérives, évaluer et limiter les effets des retards et autres aléas, réduire votre exposition aux pénalités contractuelles mais aussi identifier des leviers d’opportunités pour optimiser vos marges.
Construction : Dans les projets de construction, l’allotissement des projets, la coordination entre plusieurs corps de métiers (génie civil, électricité, plomberie, architecture…) ainsi que la coexistence d’acteurs de droit public et de droit priver peuvent rapidement devenir un casse-tête. Les modifications en cours de route (avenants) sont légion, chaque retard a un effet domino sur le calendrier global, sans parler des sujets HSE toujours prioritaires mais parfois négligés. Sans un pilotage solide du volet contractuel, les risques d’explosion des coûts ou de réclamation se multiplient.
IT et Technologie : Les projets IT ou de R&D font intervenir des méthodologies ainsi que des technologies qui évoluent sans cesse, rendant nécessaires des ajustements en temps réel que ce soit pour faire face à de l’obsolescence, à de nouvelles opportunités technologiques, ou même parfois à une impossibilité de tenir la promesse d’une offre ou les exigences d’un cahier des charges. Or, chaque ajustement implique des conséquences contractuelles (révision des spécifications, délais, budget). Un contract manager vous aide à verrouiller les évolutions tout en conservant l’agilité nécessaire. Dans ces domaines, la valeur ajoutée d’un contract manager est quasiment immédiate : il sécurise les relations contractuelles et protège l’entreprise des dérives tant opérationnelles que financières. Plus la complexité est grande, plus ce rôle se révèle vital.
II. Le montant des contrats : critère de choix aussi réducteur qu’efficace
Si la complexité de vos activités est déjà une bonne raison d’intégrer la fonction contract management, le montant de vos contrats l’est tout autant. Dans un contexte macroéconomique où les sujets de rentabilité sont essentiels, l’enjeu est clair : comment assurer la maîtrise de grands projets (souvent coûteux) sans mettre en péril les finances et la réputation d’une organisation ? Une seule réponse : le contract management
a. Contract manager : gardien du P&L des projets
Nous avons parlé de complexité plus haut, mais même dans des domaines moins complexes, confier la gestion d’un gros contrat à un contract manager peut être justifié, à minima dès que l’enjeu financier est élevé. En effet, plus le montant du contrat est élevé, plus le risque d’incompréhensions, de dérives ou de contentieux peut entraîner des conséquences lourdes sur la profitabilité d’un projet, et plus généralement d’une entreprise.
A l’échelle d’un contrat d’un montant conséquent, quelques points de marge seulement peuvent représenter des gains ou des pertes de plusieurs millions. En pilotant de façon rigoureuse les obligations contractuelles (délais de paiement, livrables, clauses de performance), le contract manager peut ainsi être le trait d’union entre contrôle de gestion, chef de projet et juristes pour s’assurer de la préservation des marges en évitant les pénalités coûteuses, en suivant les échéances de paiement, et en assurant une évaluation régulière et approfondie des risques et opportunités permettant une lecture plus fine des provisions à constituer ou libérer.
Dans une période où les liquidités circulent moins facilement et dans laquelle les lignes de crédit coûtent plus cher qu’il y a quelques années, l’intégration d’un contract manager, et plus généralement du contract management au sein des organisations peut être vue comme une opportunité ROIste. L’intégration d’un contract manager est un investissement rentable puisque son coût est souvent largement compensé par les économies réalisées (litiges évités, retards minimisés, clauses avantageuses négociées, etc.) et plus généralement par l’amélioration de la profitabilité des projets.
b. Une fonction transverse pour sécuriser l’exécution des grands contrats
Dans les méga-projets (infrastructures, énergie, défense, etc.), les montants peuvent grimper à des niveaux vertigineux et impliquer une constellation de parties prenantes : maîtres d’ouvrage, fournisseurs, sous-traitants, assureurs, administrations publiques. La complexité relationnelle devient souvent un casse-tête, où chaque acteur a ses propres priorités, contraintes et obligations contractuelles.
Dans ces contrats, au-delà du sujet ROIste évoqué au paragraphe a. ci-dessus, il est essentiel d’assurer du « liant » entre ces différentes parties prenantes sur des activités souvent délaissées, puisque non-prioritaires pour d’autres fonctions.
Tout d’abord sur le plan de la collaboration, si le chef de projet veille à la collaboration des différents acteurs impliqués dans le projet, le contract manager assure le pendant d’un point de vue contractuel, avec des interlocuteurs souvent différents au sein des organisations concernées. Cette collaboration permet de se dire les choses, en temps voulu et d’une façon adéquate, plutôt que d’omettre les sujets et les aborder seulement une fois qu’il est trop tard
Ensuite, en ce qui concerne l’adaptation du contrat à la réalité du projet, le contract manager joue également le premier rôle. En effet, au cours de l’exécution d’un grand projet, qui s’étale sur de longues années, il est courant de devoir ajuster le contrat initial en raison d’aléas techniques, de modifications réglementaires ou de nouvelles demandes du client. Chaque changement doit être consigné avec précision pour éviter toute zone de flou ou tout conflit ultérieur, c’est ici que le contract manager occupe une fonction clé, puisqu’inoccupée en son absence.
En somme, plus les contrats sont longs, complexes et onéreux, plus la fonction de contract management apparaît comme un facteur clé de réussite avec un ROI d’autant plus important que le contract manager est impliqué en amont (dès l’appel d’offres idéalement). Sans ce « chef d’orchestre contractuel », les risques de décalage entre la vision stratégique et l’exécution opérationnelle augmentent de façon exponentielle.
Au final, quand (et comment) sauter le pas ?
Nous vous avions prévenu en début d’article : il n’existe pas de réponse unique à la question « Quand créer une fonction contract management ? ». La réponse dépendra de nombreux facteurs tels que la nature de votre activité (plus ou moins complexe), le montant de vos contrats (plus ou moins élevé), la typologie de vos clients ou encore la maturité de votre organisation en matière de contrats.
Nous espérons cependant que cet article vous aura aidé à y voir plus clair. Les deux facteurs clé évoqués (complexité et montant des contrats) sont en effet universels. Pour aller encore plus loin, nous vous proposons une check-list. Posez-vous ainsi les questions ci-dessous :
- Mon projet/contrat représente-il plus de 30% du CA global de votre société ?
- Mon projet/contrat dépasse-t-il les 50 millions d’euros ?
- Mon contrat est-il exécuté à l’étranger ou dans plusieurs juridictions ?
- L’objet du contrat consiste-t-il à réaliser un produit ou délivrer un service pour la première fois (ou de manière innovante) ?
- Ai-je hésité à donner mon feu vert (GO) pour ce contrat, à cause de risques ou d’incertitudes majeures ?
- Le contrat implique-t-il plus de trois parties différentes (sous-traitants multiples, partenaires publics et privés, etc.) ?
Si vous avez répondu « oui » à au moins deux de ces questions, il est temps de vous pencher sérieusement sur la présence d’un contract manager pour assurer le pilotage de votre contrat.