Pour ce nouveau portrait de contract manager, après Laure, Nadia et Henri, nous nous sommes battus (au sens figuré) pour savoir qui chez Prime Conseil aurait la chance de pouvoir interviewer Nicolas ! Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, Nicolas Le Floch c’est plus de 20 années d’expérience au sein de groupes industriels, des centaines de posts passionnants sur LinkedIn dont une grande partie au sujet du contract management, et surtout une vision positive de la discipline et plus généralement des relations humaines que nous partageons profondément.
Dans cet article, nous vous proposons de revenir sur ce superbe moment d’échange au cours duquel nous avons pu croiser deux passions partagées que sont le sport et le contract management.
Prime Conseil (PC) : Pour commencer, si tu devais faire une analogie entre un sport et le contract management quel serait-elle ?
Nicolas Le Floch (NLF) : Ce qui me vient immédiatement en tête est le sport que je pratique le plus qui est l’ultra-trail (des courses d’endurance de type UTMB). Pourquoi ce parallèle ? J’ai un jour entendu que l’ultra-trail est « le royaume de l’inconfort » dans lequel il faut gérer de l’imprévu constamment (aléas, conditions météo, problèmes techniques, etc.). Ces aléas mettent non seulement le corps, mais aussi l’esprit à rude épreuve.
De la même manière, le contract management, dans sa dimension holistique, nécessite une adaptation permanente face à des situations qui surviennent tout au long d’un projet qui peut durer plusieurs années. Il faut alors montrer de la résilience, de l’adaptation mais aussi savoir se laisser des marges de manœuvre car il est impossible pour un rédacteur de contrat de tout prévoir en amont, de surcroit sur des contrats de longue durée. Il faut savoir laisser vivre le projet et s’adapter en continu.
Enfin, si le trail est souvent vu comme une matière individuelle, il peut également y avoir des épreuves en équipe qui, à l’instar du contract management, nécessitent de savoir se coordonner et d’accepter de dépendre de l’autre.
PC : Restons sur le plan collectif, comment définir le rôle du contract manager au sein d’une équipe projet ?
NLF : Je me perçois comme le bras droit du directeur de projet, avec une vue globale. Je suis une sorte de chef d’orchestre en charge des interfaces avec tous les autres détenteurs de données d’entrée. Pour rester dans l’univers du sport, je dirais que le contract manager est le milieu de terrain qui a vocation à participer à l’effort défensif et à soutenir les attaquants.
PC : Quelle évolution perçois-tu sur ce rôle de contract manager ? Est-ce qu’avec les années, il a vocation à jouer un rôle un peu plus avancé sur le terrain ?
NLF : Ce que je constate au sein de mon entreprise comme à l’extérieur, c’est que le positionnement du contract management sur le terrain d’une organisation est avant tout un sujet de culture d’entreprise. Quand une organisation a une fonction dédiée, des outils, des personnes et des process en la matière, cela contribue grandement à l’exposition et au rayonnement du contract management.
Cependant, je pense qu’il ne faut pas se cacher derrière le manque de maturité d’une organisation en contract management pour justifier le rôle secondaire de ce dernier. Il faut selon moi toujours faire la promotion de sa fonction, que ce soit pour être accepté dans l’équipe, mais aussi plus généralement donner du sens à la fonction, expliquer sur quoi on a une valeur ajoutée et faire passer des messages.
Dans une précédente vie de juriste, je disais que c’était au droit d’aller vers l’opérationnel. En matière de contract management, il s’agit de faire entrer le contrat dans le quotidien des opérations.
PC : Au quotidien, comment diffuser cette culture du contract management au sein des équipes ?
NLF : Le contract management est pour moi une discipline collective qui ne se réduit pas au seul contract manager. Qu’il s’agisse de claim, d’évolution du contrat ou autre événement du cycle de vie du contrat, je me place toujours en contributeur plutôt qu’en gardien du temple, avec une volonté de mobiliser les équipes avec humilité plutôt que de faire seul et imposer le contract management.
Finalement, comme dans le sport, la répétition des efforts finit par porter ses fruits et les réflexes se mettent en place, avec des petites victoires comme lorsqu’un interlocuteur projet vient spontanément vers moi et prend l’initiative de rédiger un projet de courrier, ou quand un planificateur vient m’informer d’une modification d’un jalon d’entrée, ou même encore quand on me remercie pour une réponse rapide. Tous ces exemples font que je me sens utile pour le Projet.
Le contract manager sera peut-être un jour remplacé par une IA, mais jusqu’à présent, travail et humilité me permettent de contribuer, de produire de la valeur dans les projets et d’être identifié comme un titulaire au centre du jeu.
PC : En tant que sportif accompli, peux-tu me citer 3 qualités de sportif qui te sont utiles dans ta pratique du CM ?
NLF : Sans aucun doute je citerai :
1. La préparation
Elle est essentielle avant une compétition notamment afin de bien connaître ses propres forces mais aussi ses limites, comme avant d’entrer dans une salle de négociation, d’animer une instance de pilotage, ou de remettre des livrables.
2. La résilience
Elle est évidente en ultra-trail puisque la course peut parfois bien se passer, parfois très mal, cela permet d’avoir du recul sur sa situation (barrières horaires, etc.) et de trouver des solutions. C’est assez similaire pour un projet, qui peut faire vivre des hauts et des bas, et comporter son lot d’inattendu. Dans ces situations, je me dis toujours que dans le contract management il y a soit des bonnes nouvelles, soit des opportunités.
3. La passion
C’est le moteur tout simplement. La passion c’est la raison pour laquelle on fait tout ça, ainsi que celle pour laquelle on réussit ! Nul besoin d’être un champion en ultra-trail comme en contract management, il faut simplement se dire qu’on a de la chance de le faire. On ne le dit pas assez mais le contract management, si l’on est un peu créatif, permet de « s’éclater » et prendre beaucoup de plaisir ! Il faut pour cela être curieux et s’intéresser à autrui.
PC : Restons dans le sport et parlons de salle des trophées. Comment mesures-tu la performance du contract management ?
NLF : En sus de mes fonctions, je suis également « process owner » du processus contract management en phase d’exécution. J’ai ainsi dû mettre en place deux principaux indicateurs de performance (KPI) du contract management, et ai choisi de prendre deux indicateurs de nature très différente :
A. Un indicateur court terme et quantitatif
Il s’agit d’un indicateur court terme, financier et quantitatif, à savoir la différence entre montant de la réclamation initiale et celui perçu.
B. Un indicateur moyen/long terme et qualitatif
Le second indicateur est plus qualitatif et aux résultats moyen/long terme, à savoir le nombre de sensibilisations et de formations réalisées au cours d’une période.
Beaucoup d’autres indicateurs peuvent être utilisés (cf le très bon travail réalisé par l’AFCM) pour mesurer la performance du contract management, en fonction des organisations et domaines d’activité, mais selon moi il faut toujours veiller à avoir une bonne répartition entre objectifs quantitatifs et qualitatifs, court terme et moyen terme, individuels et collectifs. Cela permet d’appréhender la fonction dans sa globalité et de ne pas la réduire à une assistance technico-administrative au projet.
L’équipe Prime Conseil remercie Nicolas pour ce temps de partage, sa gentillesse et bienveillance tout au long de cet échange !