En France, le métier de contract manager, encore récent, est principalement occupé par des professionnels et experts issus de deux grandes familles de profils : le juriste et l’ingénieur.
Ces deux parcours sont souvent perçus comme opposés dans la pratique du contract management, l’un étant censé être très rigoureux et avoir une approche juridique du contrat, l’autre étant vu comme méthodique et apportant une touche technique à la matière contractuelle.
A chaque profil sont (parfois à tort) rattachés des valeurs, des qualités mais aussi des travers. Les contours fluctuants des fiches de poste et le rattachement hiérarchique à géométrie variable des contract managers (opérations, direction juridique, direction projets, etc.) entretiennent LA question : quel est le profil idéal du contract manager ?
1. Les différents profils de contract manager
S’il existe un consensus concernant les aptitudes et qualités essentielles du contract manager, que l’on retrouve dans la plupart des fiches de poste, le sujet du background des contract managers divise !
En observant les offres d’emploi publiées par les recruteurs sur LinkedIn et sur Indeed, on peut distinguer trois grandes tendances dans les profils recherchés :
A. Les juristes, l’expertise juridique et la science du contrat
En premier lieu, parlons des juristes. Qui dit contract management dit contrat, et qui dit contrat dit juridique.. c’est en tout cas ce que se disent certaines entreprises ! En théorie, il pourrait sembler évident que les juristes d’entreprise soient voués à occuper cette fonction de contract manager puisque ces derniers manipulent du contrat à longueur de journée.
Or, si les phases de rédaction et d’analyse font partie du quotidien d’une majorité de juristes d’affaires, il convient de souligner que l’expertise des juristes n’est bien souvent sollicitée qu’à certains stades du cycle de vie d’un contrat, et dans le cadre de missions qui relèvent du domaine juridique.
En prenant un peu de recul, on s’aperçoit que le juridique et le contract management sont deux disciplines bien distinctes, et on peut se demander si le juriste est un proche parent ou au contraire le meilleur ennemi du contract manager ?
Quoi qu’il en soit, le profil juridique est susceptible de présenter, dans le cadre du contract management, certaines qualités et limites qu’il convient de souligner :
Qualités : Les juristes possèdent une compréhension aiguisée des aspects légaux et réglementaires des contrats. Leur formation en droit les rend aptes à naviguer dans le labyrinthe des termes juridiques et à anticiper les risques. Leur expertise en matière de rédaction et analyse de contrat leur permet d’avoir un regard critique sur le contenu d’un contrat. Par ailleurs, en tant que « service support », le juriste a généralement une aisance pour travailler en équipe, pour comprendre les enjeux de différents métiers et incarner à la perfection le sens du service.
Limites : Le travers le plus connu des juristes est celui du manque de recul et vision opérationnelle. Le juriste a en effet parfois tendance à analyser une situation ou un contrat par le prisme du droit, en éludant les aspects techniques ou commerciaux d’une relation contractuelle. Le sujet de la posture revient également assez fréquemment, avec une posture parfois binaire (oui/non) peu compatible avec la réalité d’un projet et le quotidien du contract manager. Enfin, s’il peut être facilitateur, le contract manager au profil juridique peut également adopter une posture constituant un doublon avec un département juridique.
B. Les ingénieurs, la technique au service du contrat
La seconde grande catégorie de professionnels du contract management est constituée par les ingénieurs. Ces derniers sont assez naturellement attirés par le contract management du fait de leur implication dans les projets, et de nombreux ingénieurs se trouvent parfois, au gré des difficultés rencontrées sur les projets, à pratiquer le contract management.
Les ingénieurs ont en effet souvent une connaissance pointue de la matière technique et scientifique, mais aussi d’une partie essentielle du cycle de vie d’un contrat à savoir sa phase d’exécution (ou delivery). Cette expérience leur permet d’avoir été confrontés à la réalité et aux aléas d’un projet, aux réclamations, et d’avoir eu à faire face à leurs conséquences opérationnelles mais aussi contractuelles.
Au regard de leurs qualités et expérience sur les projets, il est ainsi logique de retrouver en nombre les ingénieurs parmi la population de contract managers, même si ces derniers ont une maîtrise assez superficielle du droit des contrats. En quelques lignes, voici un résumé de leurs qualités et limites :
Qualités : De nature analytique, les ingénieurs apportent une perspective technique et une compréhension des aspects pratiques du contract management. Ils sont souvent à l’aise avec les détails techniques des contrats, et ont une expérience terrain de leur exécution, des échecs et aléas qui peuvent jalonner la vie d’un contrat et nécessiter une attention particulière. Enfin, les ingénieurs ont l’habitude de fonctionner en équipe projet et non en tant que service support.
Limites : Il arrive fréquemment qu’ils manquent de la sensibilité juridique nécessaire pour naviguer dans les complexités contractuelles ce qui peut entraîner des longueurs dans les négociations, ou encore une méconnaissance du risque en certaines hypothèses. Cela est également vrai avec d’autres matières telles que la finance, le contrôle de gestion ou encore le procurement, qu’il a souvent moins eu l’occasion de pratiquer. Par ailleurs, dans certaines configurations, ce profil peut agir en doublon d’un chef de projet.
C. Les autres profils, ne pas négliger les compétences cachées
S’il est vrai que les juristes et ingénieurs constituent la population la plus représentée chez les contract managers, ce métier est suffisamment nouveau pour être inclusif d’autres profils car pour rappel, 29% des collaborateurs d’une entreprise interviennent dans le cycle de vie d’un contrat.
Pour illustrer ces propos, d’autres profils tels que les acheteurs ou les commerciaux (la liste n’est pas exhaustive) peuvent aussi exceller en contract management. Ces derniers combinent souvent des expertises pointues en matière de négociation, de gestion de projet et compréhension des besoins commerciaux.
Faire l’impasse sur ces profils, c’est ainsi fermer les yeux sur un gisement potentiel de pépites, de collaborateurs susceptibles d’aborder le contract management autrement.
Même s’il est difficile de généraliser les qualités et limites d’une pluralité « d’autres profils », nous avons essayé d’en dresser les qualités et limites de la même manière que pour les juristes et ingénieurs :
Qualités : Ces profils connaissent le contrat sous un autre angle, sont à l’aise avec une pluralité de parties prenantes et apportent une perspective pragmatique et orientée vers les résultats.
Inconvénients : N’étant ni juristes ni ingénieurs, ils peuvent manquer de la profondeur technique et/ou juridique nécessaires pour aborder certains aspects complexes du contract management, pour prendre de la hauteur sur la discipline et structurer une telle démarche au sein d’une entreprise.
2. Quel contract management pour votre entreprise?
Nous venons de le voir, chaque typologie de profil présente des avantages et des inconvénients. Comment faire son choix ? Existe-il vraiment un profil type ? Nous sommes au regret de vous l’annoncer, mais la question cruciale de savoir quel profil choisir pour votre entreprise ne trouve pas de réponse universelle. Dans cette deuxième partie, nous plongeons dans le cœur de cette interrogation, examinant comment le contexte spécifique de chaque entreprise façonne le choix idéal entre juristes, ingénieurs, ou d’autres profils.
A. À chaque entreprise son profil idéal
Le choix du profil idéal pour un contract manager dépend étroitement des objectifs spécifiques et du contexte opérationnel de chaque entreprise. Pour illustrer, prenons deux scénarios distincts : celui une entreprise cherchant à initier et structurer une démarche de contract management et une autre souhaitant renforcer un département existant.
Structurer une démarche de contract management
Dans le cas d’une entreprise qui se lance dans la création d’un département de contract management, il est recommandé d’opter pour un profil senior (ou de se faire accompagner par un consultant..de Prime Conseil).
Le contract manager doit en effet posséder une expérience avérée dans les différentes étapes du cycle de vie des contrats, de leur négociation à leur exécution, en passant par leur gestion, leur renouvellement mais aussi le traitement des litiges et claims. Le background initial, qu’il soit juridique, technique ou autre, importe moins que l’expérience globale et la capacité à comprendre et à intégrer les multiples facettes du contract management.
Enfin, pour ce type de mission, Ula compétence en management est tout aussi indispensable. Le contract manager doit non seulement gérer les contrats mais aussi piloter des équipes (souvent de façon transverse), coordonner avec différents départements, et souvent, faire office de formateur et de mentor pour les équipes moins expérimentées. Cette capacité à gérer des personnes et des processus est essentielle pour ancrer le contract management dans la culture de l’entreprise.
Pour renforcer un département existant
Lorsqu’une entreprise possède déjà une certaine maturité en contract management et cherche à se renforcer, elle doit s’orienter vers un profil plus précis, tant en matière de séniorité (un junior peut en certaines hypothèses être préconisé) qu’en matière de profil.
Dans ce contexte, le besoin opérationnel, la culture d’entreprise, et la façon de piloter le cycle de vie des contrats deviennent les principaux critères de sélection. Pour caricaturer, si l’entreprise évolue dans un domaine technique complexe avec une forte implication du juridique dans toutes les étapes du cycle de vie des contrats, un ingénieur avec une expertise spécifique peut être le choix le plus judicieux. Inversement, dans un environnement où les défis juridiques et réglementaires sont prédominants, un juriste avec des connaissances dans le domaine concerné serait plus approprié.
En conclusion, le choix d’un profil de contract manager doit être guidé par une analyse précise des besoins et des objectifs de l’entreprise. Que ce soit pour établir une fonction de contract management robuste ou pour renforcer une compétence spécifique, la décision doit être alignée avec la stratégie globale et les défis opérationnels de l’entreprise.
B. Aller au-delà d’un « profil »
Etre un bon contract manager ne se résume pas à une accumulation de connaissances techniques ou juridiques. Il s’agit d’une démarche plus holistique et opérationnelle. Ce métier récent, profondément ancré dans la réalité quotidienne des entreprises, exige une posture proactive, une volonté d’apprendre constamment et de comprendre les nuances des situations rencontrées.
L’importance de la posture et de l’attitude
Le contract management est avant tout un métier de terrain. Cela signifie que, quelle que soit l’expertise de départ, le contract manager doit faire preuve d’une grande adaptabilité et d’une capacité à appréhender les problématiques concrètes de l’entreprise. Au-delà des compétences techniques ou juridiques, c’est la posture et l’attitude du contract manager qui feront la différence. Une approche proactive, une capacité à communiquer efficacement avec les différentes parties prenantes et une compréhension des enjeux commerciaux sont cruciales.
Capitaliser sur les forces en présence
Bien entendu, une expertise contractuelle, technique, conjuguée à une expertise des projets complexes apportent une valeur ajoutée significative en matière de contact management. Un juriste apportera une rigueur et une précision dans l’analyse des risques contractuels, tandis qu’un ingénieur apportera une compréhension approfondie des aspects techniques des contrats. Cependant, pour chaque entreprise, l’accent doit être mis sur la complémentarité de ces compétences et sur leur intégration dans une équipe et une organisation qui comprend déjà elle même des forces et fes faiblesses. Le bon contract manager est donc celui dont la complémentarité avec l’organisation sera optimale.
La volonté d’apprendre et de comprendre
Au bout de quelques années de pratique, on identifie un bon contract manager à sa volonté d’apprendre continuellement et de comprendre les subtilités de son environnement de travail. Cela implique de rester à jour sur les évolutions juridiques et réglementaires, de se familiariser avec les nouvelles technologies et méthodologies, et surtout, de comprendre les objectifs stratégiques de son entreprise. Cette capacité d’apprentissage et d’adaptation est essentielle pour naviguer efficacement dans les eaux souvent turbulentes du contract management.
C. Faire émerger le contract manager de demain
Le contract management, tout comme le procurement l’était il y a quelques années, est une discipline en plein essor et en constante évolution. Cette matière nouvelle se construit jour après jour, s’affranchissant des clivages traditionnels entre juristes et ingénieurs. Le débat sur la prééminence d’un background sur l’autre devient ainsi obsolète face à la dynamique actuelle du métier.
Une discipline en pleine construction
Le contract management d’aujourd’hui est en train de forger son identité propre. Comme toute discipline naissante, elle emprunte des éléments à divers domaines existants tout en créant sa propre niche. Cela implique une constante réévaluation de ses méthodes, de ses outils et de ses approches pour s’adapter aux besoins changeants des organisations.
Au-delà du passé et du vécu
Le contract manager de demain ne se définit pas par son parcours antérieur, que ce soit dans le domaine juridique, technique ou autre. Sa véritable valeur réside dans sa capacité à intégrer ses connaissances et son expérience pour contribuer efficacement à l’évolution du contract management. Ce qui importe, c’est sa capacité à embrasser le changement, à innover et à apporter des solutions créatives aux défis complexes des contrats modernes.
Contribuer à l’avènement et au rayonnement du contract management
Le contract manager de demain est un pionnier, un innovateur qui façonne l’avenir de sa discipline. Il est à l’avant-garde de la création de valeur dans les organisations, utilisant le contract management non seulement comme un outil de gestion des risques, mais aussi comme un levier stratégique pour le développement et la croissance. Son rôle est de promouvoir la discipline, d’élargir son influence et de démontrer son impact sur la réussite globale de l’entreprise.
Création de valeur dans les organisations
La valeur du contract management se mesure par son impact sur l’efficacité opérationnelle, la réduction des risques, et la maximisation des opportunités commerciales. Le contract manager de demain doit donc avoir une vision stratégique et être capable d’aligner les objectifs contractuels avec les objectifs globaux de l’entreprise. Il s’agit de transformer les contrats en outils dynamiques, capables de s’adapter aux changements et de stimuler l’innovation au sein de l’organisation.
Conclusion
En conclusion, le contract management, une discipline en pleine évolution, transcende les profils traditionnels de juriste ou d’ingénieur. La clé réside dans la capacité à intégrer et à valoriser des compétences diverses, adaptées aux besoins spécifiques de chaque entreprise.
Que ce soit pour structurer une démarche de contract management ou pour renforcer une compétence existante, l’accent doit être mis sur l’attitude, la volonté d’apprendre et de comprendre. Le contract manager de demain, loin d’être défini par son passé, se distingue par sa capacité à innover, à s’adapter et à contribuer à la valeur ajoutée du contract management.
Ce métier, à l’intersection des compétences juridiques et techniques, est un levier stratégique pour le développement et la croissance des organisations, prouvant que le véritable enjeu est dans la capacité à évoluer avec la discipline.