Prime Conseil

26/08/2024

Portrait de contract manager : le pragmatisme face aux enjeux de l’adaptabilité du prix

Article de blog :

En tant que contract manager, avec une forte expérience dans les achats et ayant évolué depuis une quinzaine d’années dans de grands groupes industriels, j’ai souvent été confronté à une diversité de sujets dont l’épineux choix entre prix ferme et prix révisable. Bien que répandue et initialement rassurante, les récentes crises économiques ont démontré à quel point les fluctuations des prix sur les marchés pouvaient être imprévisibles et avoir des effets durables. Elles ont aussi mis en lumière les limites d’une approche trop rigide du prix.

Faire le choix d’un mécanisme d’adaptation du prix s’avère être une stratégie beaucoup plus gagnante et une garantie de la sérénité dans les relations contractuelles dans le moyen long terme.

Cependant, cette approche nécessite une certaine finesse pour faire consensus et je souhaiterai, à travers ce partage, mettre en avant en quoi le contract management, et plus particulièrement le procurement contract management peut permettre à ce mécanisme d’être véritablement viable sur le long terme.

La tentation omniprésente du prix ferme dans les négociations commerciales

Il n’est pas question de dire que la négociation et l’instauration au sein du contrat d’un prix ferme est une fausse bonne idée. Bien au contraire, c’est un mécanisme qui a vocation à protéger les deux partis, de provisions excessives (client) et d’évolution d’indices incontrôlées (fournisseur), et peut s’avérer pertinent et présenter plusieurs avantages selon le contexte.

En effet, dans le cadre de marchés indexés sur des cours stables ou dont l’évolution est prévisible et présentant des durées relativement courtes, c’est un bon moyen de se prémunir d’aléas susceptibles d’impacter les conditions financières du contrat. Les prix fermes contractualisés correspondent généralement aux prix médians, c’est-à-dire les prix des prestations à mi-parcours du contrat. Cela signifie que les prix sont souvent plus élevés qu’ils ne devraient l’être au début du contrat, et moins élevés après cette période intermédiaire et ce par rapport à l’évolution du marché.

Nous pouvons aussi souligner parmi ces bénéfices, celui d’une gestion simplifiée (pas de calcul, ni de communication ou discussion sur les incidences de l’évolution de prix, etc.), et l’avantage d’une certaine anticipation budgétaire.

Toutefois, ce choix, relevant avant tout d’un réflexe culturel, trouve ses limites dans le cas d’une réalité industrielle des marchés qui expose les parties à des aléas de disponibilité et/ou économiques, notamment sur de longues périodes. Dans une telle situation, il est plus approprié de s’orienter vers une formule de consensus qui permettra au contrat de rester totalement opérationnel, à savoir un mécanisme de révision de prix. Cela n’est pas toujours le premier réflexe et ce même dans des secteurs tels que l’énergie, la construction ou le transport, et peut conduire à une inefficacité de la négociation et des situations de blocages.

La volatilité des marchés : une réalité imprévisible et crispante

Les crises économiques récentes, comme la pandémie de COVID-19 et les conflits géopolitiques, ont eu des impacts dévastateurs sur les marchés mondiaux. Nous avons été confrontés à des hausses incontrôlées des prix des matières premières, telles que l’acier Inoxydables, des semi-conducteurs et de leurs composants, du cuivre, du pétrole, etc.

Ces fluctuations et l’absence de dispositif de réajustement peuvent mettre en péril l’applicabilité du contrat en raison de l’absence de prise en compte des évolutions de prix et mener à des discussions basées sur des situations imposées, généralement peu propices à la pérennité de l’accord.

Ce cas de figure doit être absolument éviter afin de ne pas générer de crispations dans les relations entre fournisseurs et clients. Cette imprévisibilité peut être nettement atténuée par la prise en compte dans la phase amont de ces aspects tant au niveau des discussions que dans la rédaction du contrat.

L’importance du choix et de la rédaction de la clause de révision du prix

Vous l’aurez compris, la clause de révision de prix est un mécanisme d’adaptation, de flexibilité du contrat en cas d’aléas économiques. Elle permet d’ajuster le prix en fonction de certains indicateurs de marché et de garantir une prise en charge équitable des risques financiers relatifs à la hausse des prix du marché.

Elle contribue à réduire les tensions précédemment évoquées et garantie l’équilibre du contrat. Mais pour cela, il est important qu’elle soit élaborée conjointement entre les parties afin de tenir compte des spécificités de leurs activités et de leurs stratégies d’approvisionnements.

Une formule de révision du prix équitable doit, selon moi, représenter la structure de coûts des prestations auxquelles elle s’applique. Lorsque par exemple, nous entendons l’appliquer à des produits manufacturés, il est nécessaire de veiller à ce que chaque part reflète scrupuleusement les dépenses effectuées par le fournisseur, part matière, main d’œuvre, coûts indirects et part fixe si celle-ci est justifiée par une réalité industrielle mais aussi des implications pour l’acheteur et de la manière dont il aura la possibilité de le répercuter à ses clients.

Il en est de même pour la prise en compte des conventions salariales appliquées à la main d’œuvre qui doivent également être choisies avec précautions. Peut-on appliquer l’ICHT (Indice du coût horaire du travail) ou doit don intégrer un indice plus spécifique comme celui de la convention de la métallurgie ?
Plus les indices seront fidèles à la réalité de la prestation souscrites moins ils génèreront de discussions autour de leur choix et /ou de leur mise en œuvre et plus leur adoption sera simple et partagée.

Je reste convaincue que plus l’on réussi à évaluer précisément le coût d’une prestation ou d’un bien, plus l’on est pertinent dans la construction de la formule. Ce travail du contract manager, qui doit se retrousser les manches et mettre les mains dans le cambouis, est essentiel.

Quelle approche pour le contract manager ?

Nous l’avons vu précédemment, la collaboration est essentielle pour élaborer des clauses réalistes et acceptables pour les deux parties. Les discussions ouvertes et transparentes permettent de définir des critères et des indices pertinents pour les ajustements de prix.

L’approche pragmatique et efficiente du procurement contract management est clé dans la recherche d’une solution d’adaptabilité du prix convenu. Cette discipline va naturellement gommer dans son processus la posture rigide du prix fixe et de la non adaptabilité du contrat.

Le contract manager, par sa capacité d’analyse et sa compréhension des besoins, veille à ce que les ajustements de prix soient basés sur des données fiables et transparentes mais surtout que le mécanisme voulu soit adapté à la réalité industrielle et du marché.

Il a un rôle de facilitateur afin d’évaluer les facteurs qui peuvent influencer les fluctuations des prix et  d’établir des critères clairs pour quand et comment les ajustements de prix seront effectués. Il veille à ce que, et sans doute l’un des points les plus importants, la rédaction de la clause et son mécanisme d’application soit parfaitement claire et précise.

Enfin, son intervention sera clé pour faire vivre cette clause dans long terme. Sur ce point, j’aimerai partager le fait qu’un indice de référence fixé trop tôt (et imposant ainsi une évolution sur une durée plus grande et non réaliste) peut avoir une répercussion insoupçonnée sur le long terme. Le contract manager aura donc pour mission d’adapter ces conditions sur l’évolution des marchés et de l’activité et du contexte de l’entreprise.

En clair, rien ne doit être figé. Pour cela, il doit être en veille permanente et s’appuyer sur les ressources dont il bénéficie. Ce qui est véritablement l’apport du procurement contract management et du contract manager un atout stratégique de l’efficacité et opérationnalité du mécanisme d’adaptation du prix.

Conclusion

Les aléas rencontrés ces dernières années obligent les entreprises à repenser leur approche de la négociation du prix ainsi que leurs pratiques contractuelles. Intégrer dans sa négociation et faire intégrer dans l’esprit des parties prenantes l’acceptabilité de l’adaptabilité du prix convenu en cours de contrat et selon les circonstances, un défi plus que nécessaire pour le contract manager face à la « culture » du prix ferme. Un fait totalement écho à l’ADN de sa discipline : une orientation constante vers l’amélioration de la performance et la maximisation de la rentabilité, tout en s’assurant que les relations contractuelles sont solides, adaptables et stratégiquement alignées avec les objectifs de l’entreprise.

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