Dans un monde toujours plus axé sur la technologie, les entreprises se retrouvent confrontées à une prolifération de contrats informatiques : hébergement dans le cloud, solutions SaaS, prestations de développement, maintenance, support, etc. Tous ces contrats représentent des enjeux stratégiques pour les Directions des Systèmes d’Information (DSI) mais pas seulement. En effet, ces contrats IT sont désormais omniprésents dans tout le cycle d’exploitation d’une entreprise, et sont vitaux tant pour la maîtrise des coûts que pour la bonne gestion des risques et le maintien de la compétitivité. Dans ce contexte, le Contract Management IT se présente comme LA fonction qui monte au sein des DSI et des organisations.
A l’instar du contract management industriel, le contract manager IT a pour mission de gérer de façon proactive l’ensemble du cycle de vie des contrats de nature IT. Un rôle au confluent entre de nombreuses disciplines se limite pas à de l’administration de contrat puisqu’il s’agit, au travers de la stratégie contractuelle d’anticiper les risques, les évolutions réglementaires, mais aussi la survenance d’aléas ou d’innovations technologiques susceptibles de modifier en profondeur la façon dont l’entreprise consomme ses ressources IT.
Les DSI qui ont négligé cette dimension contractuelle ces dernières années se retrouvent aujourd’hui confrontées à des choix capacitaires à assumer, des budgets qui explosent, et parfois des litiges à gérer sur des grands programmes. L’enjeu est donc stratégique : il ne s’agit plus seulement d’éviter les problèmes (ce que des directions juridiques spécialisées en IT arrivaient tant bien que mal à réaliser), mais de transformer la relation au contrat pour faire de ce dernier un vecteur de création de valeur. Dans les lignes qui suivent, nous allons d’abord évoquer les principaux défis du Contract Management IT, puis détailler les raisons pour lesquelles il devient indispensable d’organiser cet aspect au sein des DSI.
A. Les grands enjeux du contract management IT
i. Appréhender la multiplicité et la complexité des contrats
De plus en plus d’entreprises s’appuient sur un écosystème numérique où coexistent de nombreux fournisseurs spécialisés. Par exemple, une DSI peut recourir à plusieurs clouds publics et privés (IaaS/PaaS), tout en exploitant une palette d’applications en mode SaaS pour la bureautique, la gestion de projets, le CRM ou encore l’analytique.
À cela s’ajoutent souvent des contrats de support, de maintenance, voire de développement sur mesure. Ces contrats, d’une immense variété, intègrent des clauses reflétant des business model de plus en plus complexes, avec des intégrations, du développement spécifique, des modalités de licensing aussi efficaces qu’inventives, faisant de chaque contrat un objet complexe à assimiler.
Aussi, la multiplication de ces contrats conjuguée à leur complexité grandissante rend leur gestion complexe, car il faut s’assurer que chaque fourniture ou service est bien couvert et que les clauses spécifiques (propriété intellectuelle, niveaux de service, délais, pénalités, conformité, etc.) sont respectées. Sans une gouvernance solide, on créé très rapidement un « no man’s land » au sein duquel plus personne n’ose s’aventurer, avec pêle-mêle des conditions de renouvellement méconnues, des contrats redondants ou inadaptés, des délais non respectés, pénalités non appliquées, etc.
ii. Coordonner de nombreuses parties prenantes
La digitalisation des entreprises, l’avènement de l’IoT ou encore la fulgurance de l’IA font qu’aujourd’hui, les contrats IT ne sont plus l’apanage de la DSI. Ces contrats intéressent en effet de multiples services. Aussi, directions juridique, achats, financière, métiers, sans oublier les sous-traitants et éditeurs de logiciels se retrouvent impliqués dans le cycle de vie de ces contrats. La coordination de tous ces acteurs devient alors essentielle pour éviter les incompréhensions et les contradictions dans les engagements, cette coordination est même devenue l’un des facteurs clés qui fait qu’un contrat IT s’exécute convenablement ou non.
Le contract manager IT doit donc, en sus d’être un as des contrats IT, savoir gérer ces interfaces, mobiliser et piloter ces nombreux acteurs qui gravitent autour de ces contrats.
iii. Intégrer un cadre règlementaire en constante évolution
Ces dernières années, le secteur IT a connu d’innombrables bouleversements règlementaires, qui ont sensiblement impacté les contrats, leur négociation et leur exécution. A titre d’exemple, on peut notamment citer :
- Des règles applicables à tous comme le très célèbre RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), qui impose des contraintes fortes sur la collecte et le traitement des données personnelles, et par conséquent sur tout l’écosystème des acteurs IT.
- Des règles sectorielles comme le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act), axé sur la résilience des opérations numériques dans les services financiers.
- Des règles qui viennent encadrer l’innovation, avec le règlement européen sur l’IA ou « AI Act« , dont les chapitres I et II sont entrés en vigueur la semaine dernière et qui, bien que ne concernant que quelques usages pour le moment, devrait s’étendre dans les mois et années à venir.
- Et plus généralement des sujets douaniers ou encore de contrôle des exportation qui, pour des motifs souvent géopolitiques, peuvent avoir pour effet de limiter la circulation de certaines technologies (chiffrement, algorithmes sensibles, etc.) et compliquer la signature ou l’exécution de certains contrats intégrant ces technologies.
Dans ce contexte, le contract manager devient également un stratège qui, à défaut de pouvoir prédire les prochains mouvements des législateurs, doit à minima prévoir de l’agilité dans ses contrats ainsi que se mettre à jour constamment sur les dernières évolutions règlementaires.
iv. S’adapter à l’évolution de la technologie
Cloud hybride, SaaS/IaaS/PaaS, IA et agentique, No-code/Low-code ou encore IoT, le secteur IT innove à un rythme soutenu. Cette dynamique oblige les DSI à se mettre régulièrement à jour, impactant non seulement les lignes budgétaires et les infrastructures, mais aussi les contrats, qui doivent pouvoir se faire, se défaire, mais aussi s’adapter pour faire face à une certaine obsolescence.
Les sujets contractuels inhérents au passage d’un hébergement on-premise au cloud sont derrière nous, les sujets 2025 concerne plutôt la cybersécurité, l’adoption de l’IA, ou encore la gestion de la donnée qui nécessitent une évolution des cultures et pratiques, mais aussi des contrats, des panels fournisseurs, etc.
v. Contenir l’explosion des coûts logiciels
Le passage massif à des modèles d’abonnement (SaaS, IaaS, PaaS) a créé une forte dépendance aux prestataires, et de nombreuses entreprises constatent une augmentation rapide de leur budget logiciel (Microsoft a fait l’actualité avec son augmentation de 30% sur certains produits grands publics, et l’on parle plus généralement de 10%/an en moyenne pour les DSI). Les éditeurs peuvent modifier leurs grilles tarifaires d’une année sur l’autre ou introduire de nouvelles fonctionnalités facturées à part, générant ainsi des hausses de coûts parfois difficiles à absorber. On voit notamment des modèles de licensing qui s’adaptent à la consommation fleurir grâce à l’intelligence artificielle. Ici encore, le Contract Management IT permet d’anticiper ces augmentations en travaillant sur les stratégies d’acquisition amont, en lançant périodiquement des consultations, et en négociant au mieux les conditions plus avantageuses.
C. Quelques bonnes raisons de faire appel à un contract manager IT
Si, il y a quelques mois, nous avions fait un article dédié à l’importance du contract management, penchons nous dans ce chapitre plus en détail sur le domaine de l’IT, avec quelques bonnes raisons de consacrer un peu de budget pour vous doter d’une fonction contract management qui, on vous le garantit, vous le rendra bien.
i. Optimiser vos budgets
Commençons par l’argument qui fait mouche à chaque fois : contract management IT rime avec économies ! Le contract manager doit être capable de générer des économies réelles et mesurables, que ce soit :
- Au travers des négociations tarifaires, puisque le contract manager va pouvoir avoir une vue globale sur l’utilisation des logiciels et services, les besoins métiers, et les contrats associés pour, lors des négociations, tenter de massifier, de réduire, ou mieux détourer les périmètres d’acquisition.
- Lors de grands projet en évitant ou en appliquant des pénalités, car le volet contractuel des grands projets IT n’est que trop rarement suivi rigoureusement. Derrière ce suivi se cache des leviers considérables d’efficacité et d’économies.
- Enfin, procédant à des audits de contrats permet de détecter les redondances (plusieurs solutions occupant le même périmètre fonctionnel), en optimisant les coûts de maintenance et d’abonnement, en identifiant le shadow-IT, en améliorant les lancements de RFP et appels d’offres, etc.
En somme, ne retenez qu’une phrase : le contract manager est le meilleur allié de vos budgets !
ii. Améliorer la qualité de service et la satisfaction
Le contract management n’est pas là que pour négocier des contrats ou lancer des appels d’offres. Le cycle de vie du contrat va en effet plus loin que cela et continue une fois ce dernier signé. Par la mise en place et le suivi d’indicateurs de performance (KPI) ou encore la mesure du respect des SLA (Service Level Agreements), le contract manager permet notamment d’assurer le suivi de la bonne exécution des contrats et ainsi :
- d’identifier rapidement les problèmes : temps de réponse insuffisant, nombre d’incidents trop élevé, etc.
- de déclencher des actions correctives ou des pénalités (le cas échéant) lorsque le fournisseur n’atteint pas les niveaux de service convenus.
- de construire une relation de partenariat plus proactive avec l’éditeur ou le prestataire, en orientant les efforts sur l’innovation et l’amélioration continue plutôt que sur la résolution de conflits.
iii. Assurer la conformité
Dans un environnement réglementaire en mutation permanente, le risque de litige ou de sanctions est loin d’être négligeable. Les contrats informatiques doivent inclure des clauses de protection des données, de respect de la vie privée, de propriété intellectuelle, ainsi que de conformité aux réglementations sectorielles (banque, santé, défense, etc.). Une gouvernance contractuelle solide implique :
- une veille active sur les réglementations (RGPD, AI Act, DMA, DSA, DORA, etc.) ;
- la mise à jour systématique des clauses susceptibles d’être impactées par de nouvelles lois ou de nouveaux standards ;
- la sécurisation des actifs intellectuels, en clarifiant les droits d’usage, de modification et de distribution des logiciels ou des prestations développées ;
- plus généralement la conformité aux golden rules et autres règles de sécurité ou conformité.
Le contract manager n’est pas uniquement un rempart contre les risques : il contribue à renforcer la réputation de l’entreprise et sa capacité à s’adapter rapidement aux évolutions législatives, un facteur d’attrait pour les partenaires et les clients.
iv. Faciliter la gouvernance
Pour répondre aux exigences de performance et de compétitivité, la DSI se doit de piloter son portefeuille de contrats avec une visibilité maximale. Le contract manager assiste la DSI en lui apportant une vision consolidée de l’ensemble des engagements :
- les différentes licences en cours, leurs dates de renouvellement et leurs coûts associés.
- les contrats d’infogérance et de support, leurs SLA, les prestataires impliqués.
- les projets IT majeurs en cours, leurs budgets, leurs jalons, etc.
En mettant à disposition de la DSI ces éléments de façon structurée, visuelle et en temps réel, le contract manager aider à la DSI à mieux planifier ses investissements, arbitrer entre différents projets et veiller à la cohérence globale de son architecture informatique. Cette démarche crée également un cadre propice à la prise de décision stratégique, car elle met en évidence l’impact financier et opérationnel des nouveaux engagements, ou encore les interactions entre contrats existants et futurs besoins (intégration, migration, compatibilité).
Par ailleurs, une bonne gestion contractuelle facilite la collaboration entre services. En effet, les équipes techniques, juridiques et financières peuvent s’appuyer sur les mêmes données pour prendre des décisions éclairées. Grâce à des tableaux de bord et à des indicateurs partagés, il devient plus aisé d’aligner la stratégie IT sur les objectifs de l’entreprise, tout en restant vigilant vis-à-vis des risques.
Conclusion
Le Contract Management IT est désormais un facteur stratégique pour les DSI, en particulier dans un contexte où la transformation digitale s’accélère et où les réglementations se multiplient. La discipline, parfois confondue avec le vendor management et le software asset management, apporte une réponse structurée aux défis posés par la complexité des projets, la multiplicité des fournisseurs, l’explosion des coûts logiciels et la volatilité des exigences légales.
Au-delà de la simple maîtrise des obligations et des échéances, le pilotage contractuel se mue en un levier de performance globale au service des DSI et plus généralement de la compétitivité de l’entreprise. Dans un univers numérique en perpétuelle mutation, faire appel à un contract manager IT rigoureux au sein de la DSI n’est plus une option, mais bien un prérequis pour garantir un pilotage efficace et durable de l’écosystème informatique. C’est le moyen de capitaliser sur les meilleures pratiques du marché, d’anticiper les risques et de saisir pleinement les opportunités qu’offre la révolution digitale.