Au début de l’été, la Direction des Affaires Juridiques (la DAJ) publiait son rapport d’activité annuel. Parmi les activités de la DAJ figurent. Que retenir de ce rapport d’activité en matière de marchés publics ? Nous proposons d’en aborder le contenu et les enseignements à en tirer au travers de 4 thématiques essentielles.
1. Réciprocité dans l’ouverture des marchés publics de l’Union Européenne
La première thématique vient couronner 10 ans de travaux parlementaires et un long travail législatif au niveau national comme européen. En effet, le règlement dit « IMPI » est entré en vigueur en août 2022.
Ce règlement (dont vous trouverez un descriptif détaillé sur le site de notre partenaire) vise à empêcher les pratiques discriminatoires au sein des pays de l’Union Européenne. En d’autres termes, les entreprises françaises disposent, depuis maintenant 1 an, d’un outil leur garantissant un accès plus juste aux marchés des pays voisins (et réciproquement).
Des sanctions sont même prévues en cas de discrimination réelle et même avérée, puisque la Commission peut même diligenter une enquête à son initiative.
Cette réciprocité est un marqueur fort d’une volonté européenne d’utiliser la commande publique comme levier de politique commerciale.
2. Dématérialisation des marchés publics
Soutenu par la DAJ et la DAE (Direction des Achats de l’Etat), le chantier de transformation numérique de la chaîne de la commande publique est en cours ! Parmi les activités réalisées en 2022 figurent l’interopérabilité de la plateforme place avec d’autres plateformes, l’intégration de modules permettant d’accéder, publier, consulter de nombreux produits et services TNCP, ou encore l’ouverture du portail de sourcing APProch.
Ces travaux ont continué en 2023, avec des échéances à tenir puisque les nouveaux formulaires e-form (voir notre article sur le sujet) seront obligatoires à compter du mois d’octobre, et les nouveaux jeux de données essentielles (DECP) devront être implémentées au 1er janvier 2024.
2022 a été une année marquée par l’interopérabilité, 2023 et 2024 seront des années d’open data !
3. Soutien aux entreprises en difficulté
2022 a également été une année propice aux aménagements consécutifs à la « théorie de l’imprevision ». Conséquence de l’avis du Conseil d’Etat de septembre 2022, suivi par la circulaire Borne, la DAJ a eu l’occasion de préciser que des modifications de prix (clauses financières) peuvent être révisées en cours de marché conformément au code de la commande publique et aux directives européennes relative aux marchés publics.
Pour être concis, lorsque des circonstances imprévisibles l’imposent, les clauses financières et/ou de durées peuvent être motivées pour peu que l’équilibre économique du contrat soit bouleversé. Des indemnités peuvent également être versées aux titulaires de marchés publics sur ce même fondement, lorsque le déséquilibre est temporaire.
La DAJ a ainsi publié une fiche technique assez détaillée (une vingtaine de pages tout de même) pour expliquer les différentes possibilités offertes pour modifier les clauses financières et/ou la durée des contrats en cas de circonstances imprévisibles.
Toujours sur un fond d’inflation et de contexte géopolitique instable, la DAJ a également été sollicitée sur les conditions de validité des clauses de révision de prix. Après avoir rappelé les cas dans lesquels ces clauses sont obligatoires dans les marchés publics (exposition à des aléas majeurs, durée supérieure à 3 mois pour des prestations incluant une part de fournitures et matières importantes, …), les conditions de validité (fixation d’une date de référence, de modalités de calcul et de périodicité de mise en oeuvre) ont été rappelées.
Enfin, la DAJ est également intervenue dans les mesures de soutien aux TPME du BTP, avec la prolongation de dispense de publicité et mise en concurrence pour les marchés inférieurs à 100K, un relèvement du montant minimum des avances, et des précisions quant aux dépassements de coûts sur les chantiers.
Prolongation des dispenses, octroi d’indemnités, modifications de prix ou encore relèvement du niveau des avances : de nombreux outils ont été déployés pour faciliter l’accès des PME à la commande publique.
4. Achat responsable
L’achat responsable est le dernier grand volet d’action de la DAJ pour l’année 2022, et nul doute qu’il le restera au cours des exercices 2023 et 2024 compte tenu des enjeux et échéances à venir.
En effet, dès la mi-2022, le Conseil de l’UE a adopté des conclusions préparées par la DAJ visant à rendre plus durable la commande publique européenne. Cela passe notamment par l’adoption de règles communes en matière de marchés publics (considérations relatives au développement durable dans l’expression du besoin, les critères d’attribution ou encore les conditions d’exécution du marché). L’applicabilité des textes découlant de ces conclusions devra intervenir d’ici 2030, ce qui est lointain et proche à la fois.
2022 a également été l’année de publication du décret portant application de l’article 35 de la loi Climat et résilience. Concrètement, ce décret a introduit l’obligation de prendre en compte le critère environnemental dans les marchés, l’obligation pour un concessionnaire de marché public de décrire les mesures mises en oeuvre pour garantir la protection de l’environnement, ou encore l’abaissement à 50M€ d’achats annuel pour qu’une collectivité soit dans l’obligation de mettre en place un SPASER. Ce décret entrera en vigueur en 2026, même si quelques mesures telles que l’exclusion immédiate d’opérateurs qui ne présentent pas un plan de vigilance alors qu’ils sont soumis à cette obligation.
2022 a été une année productive en lois, règlements et textes dédiés au verdissement de la commande publique. La période 2023-2030 sera donc critique car elle verra l’entrée en vigueur de ces textes qui va permettre de voir naître de nouveaux noms dans le paysage de la commande publique.