Dans cet article, nous allons parler de processus de contract management, d’amélioration continue d’une direction contract management, et par conséquent d’une évaluation de sa performance.
Pour cela, nous allons nous appuyer sur un outil que nous utilisons beaucoup chez Prime Conseil et qui vient d’Angleterre. Il s’agit du modèle de bonnes pratiques du contract management publié par le « National Audit Office », l’institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume-Uni (cousin britannique de notre cour des comptes).
Si sa seconde édition a maintenant 8 ans, ce framework, ou guide, est encore à ce jour considéré comme « une référence en matière de socle minimum nécessaire à la pratique du contract management ». Ce guide, qui a pour vocation d’actualiser un premier travail réalisé en 2008, est devenu une référence au Royaume-Uni, et est même utilisé comme indice de référence lors d’expertises et claims sur des grands projets.
Nous proposons, aux termes de cet article, de revenir sur ce guide et d’expliquer comment il peut être utilisé pour un diagnostic ou un audit des pratiques ainsi que du niveau de maturité d’une organisation en matière de contract management.
I. Un modèle qui repose sur 4 piliers et 11 activités
En préambule, il convient de noter que ce modèle est principalement dédié à la phase d’exécution du contrat (voir les différentes phases du cycle de vie des contrats). Il n’en demeure pas moins un excellent modèle pour cette phase essentielle d’exécution, certains piliers étant par ailleurs applicables aux phases avant-signature. 11 activités sont ainsi décrites par le NAO anglais comme faisant partie de ce modèle, ces activités étant réparties selon 4 piliers :
a. Structure et ressources
Sous ce premier pilier se cachent 3 activités distinctes :
- La première activité « Gouvernance & planning », activité qui vise à permettre un passage fluide, sans perte de connaissance, de la phase d’avant-vente à la phase d’exécution. Concrètement, cette activité désigne l’ensemble allant de l’allocation de budget contract management dans l’offre jusqu’à la définition d’une organisation de contract ownership (qui ? quoi ? comment ?), ainsi que dans la mise en œuvre de processus clairs, alignés avec ceux du projet (par exemple, l’existence d’un CMP et d’un PMP qui s’articulent convenablement).
- La seconde activité de ce pilier s’intitule « People » et vise à assurer que le poste de contract manager est bien staffé et suffisamment pérenne au regard des attendus des projets. Les compétences, le rattachement hiérarchique, les objectifs et l’autorité du contract management doivent être clairement établis et pertinents au regard du projet.
- Enfin, la dernière activité s’intitule « Administration ». Aussi triviale qu’elle puisse paraître, elle revient à s’assurer que les personnes concernées disposent bien d’une copie du contrat, que les droits d’accès sont bien déterminés, que les annexes techniques sont connues des personnes ayant à en connaître, que les points de contact sont bien identifiés au sein de l’organisation ou du plateau projet.
b. Performance
Le pilier performance comporte quant à lui 4 activités distinctes :
- La « Gestion des relations avec les parties prenantes » est l’une des plus importantes de tout le framework. Cette activité consiste à s’assurer que les rôles et responsabilités des différentes interlocuteurs contrat, tant du côté client que des fournisseurs, sont bien définis et connus des parties prenantes internes comme externes, que la continuité dans le pilotage du contrat, en interne comme chez les parties prenantes clés, est bien assurée, que des canaux et routines de communication sont établis, que les interlocuteurs concernés ont eu une sensibilisation/information sur le contrat et ses principales exigences, et qu’un mécanisme d’escalade des conflits est bien déterminé.
- La seconde concerne le « Pilotage de la performance », activité essentielle également puisqu’elle consiste à s’assurer que le contrat est exécuté conformément à ses stipulations. Concrètement, il s’agit de s’assurer que les spécifications, SLA et autres indicateurs de reporting et de mesure de la performance sont clairs, qu’un système de bonus/malus (i.e : pénalités ou suppléments de prix) est prévu de même qu’un mécanisme et des processus de revue périodique de la performance.
- Vient ensuite l’activité « Paiement et incentives », qui consiste à s’assurer que les mécanismes et modalités de paiement sont clairs, bien définis et compris par les parties, que le processus d’émission/traitement de facture est efficace, avec les vérifications et approbations nécessaires. Les mécanismes d’ajustement du prix en cas de modification doivent être clairs, de même que les modalités d’application de pénalités ou de bonus contractuels le cas échéant. Dans cette activité, on peut aussi insérer en bonne pratique l’insertion d’un budget dédié au contract management (que l’on soit en mode dédié ou en portefeuille).
- Enfin, l’activité « Risques » est la dernière de cette section performance. Il convient ici de mettre en place, tant côté client que côté fournisseur, des tableaux et autres outils d’analyse des risques, incluant des éléments de quantification et qualification. Parmi les autres bonnes pratiques, des processus de suivi régulier et mises à jour de ces outils de pilotage du risque doivent également être prévus, de même qu’une synthèse des clauses contractuelles relatives au traitement du risque (responsabilité, litiges, sécurité, résiliation, etc.) doit être réalisée et diffusée.
c. Développement
Ce pilier de développement recoupe quant à lui deux activités :
- La première intitulée « Variations du contrat ». Comme son nom l’indique, cette activité consiste à s’assurer que le contrat a bien fait l’objet d’une clarification (notamment par le biais d’une contract awareness), et que sa performance est régulièrement suivie par un interlocuteur désigné pour cela (idéalement un contract manager, mais cela peut aussi être un chef de projet). Une procédure claire applicable en cas de changement (modification, etc.) doit également être mise en place, de même que des mécanismes strictes en cas de changements majeurs, à ce titre on pourra s’inspirer de ce que prévoient les contrats FIDIC. Un mécanisme de résolution des litiges inhérents à ces évolutions du périmètre contractuel doit être prévu.
- La seconde intitulée « Performance des fournisseurs » qui vise à s’assurer que des contrats sont bien mis en place avec les fournisseurs incluant incentives, pénalités et autres mécanismes de pilotage de la performance, qu’il existe des processus pour piloter l’exécution de contrats de sous-traitance de ces fournisseurs. Des clauses d’objectifs d’amélioration continue peuvent également être astucieusement installés dans les contrats fournisseurs. Enfin, des revues régulières des risques et opportunités liés à ces fournisseurs doivent être prévus, ainsi qu’un point de contact responsable de coordonner ce suivi.
d. Stratégie
A l’instar du pilier Développement, ce dernier pilier intitulé « Stratégie » comprend également deux activités :
- La première, liée à la précédente sur les fournisseurs, s’intitule « Supplier relationship management » que l’on appelle également SRM. Il s’agit ici de s’assurer qu’un plan de gouvernance des fournisseurs est en place, regroupant notamment l’identification des fournisseurs critiques, des processus pour évaluer leur solidité mais aussi l’identification d’alternatives pour anticiper des défaillances. Les thématiques de propriété intellectuelle et de gestion du knowledge management doivent également être prises en compte pour capitaliser sur la collaboration avec les fournisseurs et éviter les situations de dépendance.
- la dernière activité s’intitule « Intelligence économique ». Derrière ce nom quelque peu fourre-tout se cachent de nombreuses actions, telles que les processus permettant de choisir d’internaliser ou externaliser des activités (make or buy), le benchmark constant des évolutions technologiques critiques, le suivi des conditions géopolitiques pouvant impacter l’exécution du contrat (grèves, mouvements de foule, règlementation export, etc.).
Pour clore cette première partie, voici un schéma qui récapitule ces 4 piliers et 11 activités :
II. Comment appliquer cette méthode à son contract management du quotidien ?
Au premier regard, ce modèle holistique peut sembler assez lourd à mettre en œuvre, particulièrement au sein des ETI ne disposant pas toujours des ressources dédiées. Cependant, avec quelques efforts de transposition, cette méthode peut être adaptée à une taille d’entreprise et à un secteur d’activité, pour permettre de gagner en efficacité, en pertinence, mais aussi de pouvoir évaluer la maturité d’un département de contract management en continu.
Pour cela, nous proposons : (i) des diagnostics préliminaires systématiques, (ii) des audits complets plus ponctuels.
a. Diagnostic préliminaire
Pour vous aider et rentrer dans le vif du sujet, nous avons mis en place chez Prime Conseil une matrice de scoring inspirée de cette méthode anglaise, permettant de faire un diagnostic rapide du degré du contract management, par contrat.
Cet outil, qui se présente sous la forme d’un fichier excel, peut ainsi être mis en œuvre à tout moment de la vie d’un projet, soit servir de pense-bête en phase de réponse à appel d’offres, permettre un diagnostic en temps réel en cours d’exécution d’un projet, voire même servir de base de travail pour une évolution, une transformation d’un département de contract management. Pour télécharger gratuitement cet outil de diagnostic, vous pouvez faire une demande en cliquant sur la bannière ci-dessous:
b. Audit complet
A l’instar des autorités anglaises qui ont pu, à certaines reprises, utiliser ce framework dans le cadre d’expertises et contentieux judiciaires, il est possible de se servir de cette méthode (à retrouver ici) pour mener un audit complet à décliner en plan d’action.
Pour cela, vous pouvez soit internaliser cette audit (notamment via une cellule d’audit interne, un département qualité, ou même une direction du contract management même s’il est toujours délicat de s’autoévaluer), soit le confier à un consultant en contract management de Prime Conseil.
L’objectif de cet audit sera alors de bien comprendre le fonctionnement actuel du contract management au sein de votre organisation, ses relations et (inter)dépendances avec d’autres directions (achats, juridique, projet, opérations, etc.), et formaliser un plan d’amélioration continue et des actions concrètes pour faire progresser la maturité du contract management au sein de votre organisation.