Le modèle de contrat a le vent en poupe : tout le monde veut son template, afin de pouvoir l’utiliser comme base de travail et gagner du temps dans les phases pré-signature du cycle de vie des contrats. Cependant, les modèles de contrat sont-ils la solution à tous les maux ? Mettre en place ces modèles permet-il réellement de gagner du temps ?
A la lecture du titre et des questions qui terminent le paragraphe ci-dessus, vous vous douterez que nous avons un avis très mitigé sur la question ! En tant que consultants en contract management, nous sommes aux premières loges et observons cette tendance à vouloir tout industrialiser (« templatiser ») chez bon nombre de nos clients, et avons eu l’occasion de relever quelques bonnes pratiques.. mais aussi des travers. Dans cet article, nous revenons sur ces best practices et pièges à éviter lorsque l’on souhaite mettre en place des modèles de contrats.
I. Les pièges à éviter lors de la mise en place de modèles de contrats
A. Contrat = direction juridique
Le premier écueil, et non des moindres, est de confier tout le projet à la direction juridique. Cela peut sembler logique au premier abord, après tout, qui mieux qu’un service juridique pour comprendre les subtilités des clauses légales ? Pourtant, c’est une erreur stratégique. La direction juridique, bien qu’experte, n’intervient que très ponctuellement dans le cycle de vie des contrats. Pourquoi donc confier la création d’un modèle de contrat à ceux qui ne seront pas les principaux utilisateurs de ce document ?
Les équipes qui manipuleront le contrat quotidiennement – qu’il s’agisse des départements achats, commerciaux, projets ou contract management – doivent jouer un rôle central dans la conception des modèles. Ce sont elles qui feront face aux réalités terrain : négociations avec les fournisseurs, discussions avec les clients et gestion des partenaires. Mais au-delà d’un profil type, la meilleure solution est d’adopter une approche collaborative, impliquant l’ensemble des parties prenantes afin de créer un modèle qui reflète véritablement les besoins opérationnels.
B. L’effet « one size fits all »
Avez-vous déjà acheté un vêtement ou un accessoire avec une taille unique (« one size fits all ») ? Connaissez-vous le proverbe « bon à tout, bon à rien » ? Bref, vous avez compris l’idée : un modèle de contrat ne peut convenir à toutes les situations. Vouloir créer un seul template capable de couvrir plusieurs contextes revient à concevoir un document à la fois complexe et inadapté.
Ce modèle « universel » finit par être inutilement lourd, car il inclut trop de clauses superflues pour certaines situations, et est incomplet pour d’autres.
Résultat : des négociations longues et complexes, ponctuées d’incompréhensions. La grande partie du contenu est hors de propos pour le cas d’espèce, et ce qui devrait être un simple outil de travail se transforme en un frein à la collaboration. Pire encore, cela peut créer des tensions entre les équipes qui rédigent, celles qui négocient, et celles qui doivent mettre en œuvre le contrat. Une approche sur-mesure, adaptée à chaque type de relation contractuelle, est donc primordiale.
C. Les clauses à tiroirs, sous-tiroirs, etc.
Le contrat n’est ni une armoire ni un meuble de rangement. A moins que vous ne si vous souhaitez créer une sorte d’escape game administratif (un « squid game » contractuel où seule une personne sortira vivante), il est temps de ranger ces mécanismes au placard !
Les clauses à tiroirs, sous-tiroirs, et autres notes internes ne sont ni lues, ni comprises. Adoptez un langage clair, simple et concis. Un contrat ne gagne rien à être encombré de mécanismes obscurs, qui ne font qu’ajouter à la confusion. Rappelez-vous, un contrat simple est un contrat efficace.
II. Les best practices de la rédaction de contrats
A. Le contrat : un sport d’équipe
On ne le dira jamais assez : le contract management – et par extension le contrat – c’est l’affaire de tous ! Un contrat co-construit a plus de chances d’être clair, concis et efficace. Il faut donc essayer, pour bâtir un contrat, de constituer la meilleure équipe possible.
Pour continuer l’analogie avec le monde du sport, si ce travail est collectif il est essentiel qu’un « capitaine » (ou chef de projet) soit nommé afin de guider les différents acteurs. Dans le cas de la mise en place d’un template de contrat, ce rôle est essentiel pour s’assurer que le modèle de contrat prend la bonne direction et intègre les perspectives de toutes les parties concernées, qu’il s’agisse des équipes opérationnelles, commerciales, juridiques ou de gestion de projet. En travaillant ensemble, on évite les oublis et les doublons tout en construisant un document robuste et pertinent.
B. La fin justifie les moyens
Avant de se précipiter dans la rédaction d’un modèle de contrat, il faut d’abord réfléchir à l’objectif final. Quels sont les objectifs de votre organisation (rentabilité, prise de commande, sécurisation, etc.) ? Le contrat doit-il être très court pour circonscrire le temps des négociations en raison d’échéances proches (remise d’offre, etc.) ? Doit-il au contraire être assez exhaustif pour anticiper de futures phases du projet ? Doit-il respecter une certaine structure pour faciliter sa mise en œuvre ? Bref, autant de questions qui doivent se poser AVANT de se jeter tête la première dans la rédaction.
En effet, chaque projet a des besoins spécifiques, qu’il s’agisse de réduire le nombre de pages, de simplifier les processus ou de garantir des négociations rapides. Ces objectifs doivent guider la création du modèle, permettant ainsi aux rédacteurs de s’adapter au cadre et d’éviter l’ajout de clauses inutiles. Cette approche claire dès le départ favorise non seulement l’alignement entre les équipes mais aussi la créativité des équipes en charge de la rédaction qui, au lieu de compiler des clauses standard, vont alors chercher à innover, à créer de la valeur par le contrat en réfléchissant à des rédactions plus adaptées au cas d’usage.
C. Privilégier le duo checklist+clausier au modèle de contrat
La méthode la plus agile pour rédiger un contrat ne repose pas nécessairement sur un modèle préétabli. Trop souvent, les modèles finissent par alourdir le processus de rédaction, nécessitant de rétro-ingénier le document pour l’adapter à des besoins spécifiques.
Au lieu de cela, une checklist ou un questionnaire préalable permet d’identifier les clauses pertinentes à inclure. Cette approche modulaire permet de gagner du temps et de s’assurer que chaque clause choisie est utile et nécessaire. Certains logiciels de gestion de contrats (CLM) facilitent cette approche en automatisant l’assemblage des clauses pertinentes à partir des réponses à un formulaire. Cela rend le processus non seulement plus rapide, mais également plus précis.
Conclusion
Les modèles de contrat peuvent à première vue sembler séduisants et de bons leviers d’industrialisation de la phase amont du cycle de vie des contrats, mais ils ne sont pas une solution universelle. En tant que consultants en contract management, nous ne pouvons recommandons d’adopter une approche sur-mesure (voir de la demi-mesure pour les connaisseurs) adaptée aux besoins spécifiques de chaque projet.
La simplicité, la clarté et la collaboration entre équipes sont les clés pour créer des contrats efficaces et agiles, tout en évitant les pièges d’une approche standardisée. Pour cela, la technologie peut utilement prêter main forte aux équipes juridique, contract management, opérations, etc. et permettre de digitaliser et automatiser certaines tâches telles que la constitution de clausiers intelligents via Dilitrust, ou encore la mise en place de formulaires par exemple avec OneFlow.