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04/06/2025

Contract management : spécificités du secteur de la défense

Article de blog :
contract management défense

Le contract management dans le secteur de la défense est un domaine à part. Pour l’illustrer, il suffit de voir qu’aux Etats Unis (d’où est originaire le contract management), il existe même une agence dédiée au sujet, la DCMA (Defense Contract Management Agency).

Il est fréquent que dans des grands programmes (énergie, transport, infrastructure), le contract management intègre des dimensions politiques et stratégiques. Cependant, dans le domaine de la défense, ces données d’entrées sont omniprésentes, et les règles du jeu sont souvent dictées par des enjeux qui dépassent le simple cadre contractuel. Dans cet article, nous allons plonger dans les particularités de cette fonction dans le secteur de la défense, en explorant les différentes facettes qui en font un métier à part.

I. Un environnement hautement politique

a. Des contrats au coeur des relations internationales

Les contrats de défense ne sont (quasi) jamais de simples documents commerciaux. Chaque accord signé est le reflet d’une réflexion intégrant base industrielle nationale, politique étrangère entre autres enjeux de souveraineté. Un exemple récent emblématique est celui du contrat des sous-marins australiens (qui fait même l’objet d’une page Wikipedia). Initialement signé en 2016, ce contrat qui portait sur la fourniture de 12 sous-marins conventionnels dérivés du barracuda, a été rompu à l’automne 2021 au profit d’un partenariat entre le Royaume Uni, les Etats-Unis et l’Australie (le pacte AUKUS). Cette décision a déclenché une crise diplomatique majeure, illustrant à quel point les contrats de défense sont imbriqués dans les relations géopolitiques, mais aussi le versement d’une pénalité d’un montant officiel de 555 millions d’Euros.

Dans cet univers, le contract manager doit donc non seulement maîtriser les aspects juridiques et commerciaux des contrats, mais aussi s’intéresser aux dynamiques diplomatiques qui les sous-tendent. Une décision contractuelle pouvant avoir des répercussions bien au-delà de l’exécution technique du programme.

b. Un rationnel souvent assez éloigné du contrat

Il n’est pas rare qu’en cours de projet, les objectifs, besoins et demandes des parties s’éloignent considérablement du texte contractuel. Les contrats de défense sont souvent conclus en tenant compte d’intérêts stratégiques, d’alliances militaires, de politiques industrielles et plus généralement de considérations qui ne se conjuguent pas toujours harmonieusement avec les impératifs de la commande publique. Ainsi, certains engagements contractuels peuvent être modulés ou adaptés en fonction de l’évolution des relations bilatérales ou multilatérales, résultant pour le contract manager de savoir lire entre les lignes, mesurer les enjeux sous-jacents, et d’adopter une posture agile, capable de s’ajuster aux revirements diplomatiques et stratégiques.

II. Une forte culture de l’oral et du relationnel

a. L’importance de la parole donnée

Si dans certains domaines, les échanges oraux précontractuels n’existent plus une fois le contrat signé, dans le secteur de la défense, la parole a encore une valeur importante. Les contrats restent juridiquement contraignants, mais de nombreuses négociations, ajustements et résolutions de conflits se font dans un cadre informel, lors de réunions bilatérales, de comités de pilotage confidentiels, voire de simples échanges téléphoniques.

Le contract manager doit donc exceller dans l’art du dialogue, de la négociation et des relations interpersonnelles, puisque plus encore que dans d’autres secteurs : la gestion des contrats dans la défense repose souvent sur une capacité à construire et entretenir la confiance avec ses interlocuteurs.. que l’on croisera souvent dans d’autres affaires !

b. La rigueur contractuelle au second plan

Il est fréquent que la stricte application des termes du contrat soit adaptée aux réalités opérationnelles du terrain. Un retard de livraison, une évolution technologique imprévue ou un changement de doctrine militaire peuvent nécessiter des ajustements, font parfois l’objet d’échanges tacites qui ne sont pas toujours formalisés. Le contract manager évolue ainsi dans une zone grise, où le formalisme contractuel doit coexister avec un certain pragmatisme.

III. Un fonctionnement en vase clos

a. Un cercle restreint d’acteurs économiques

Le secteur de la défense fonctionne selon une logique de club relativement fermé. On y retrouve principalement :

  • les clients finaux, à savoir les ministères de la défense (ou leurs entités d’achat dédiées) et l’utilisateur final, à savoir les corps ou forces utilisatrices;
  • les fournisseurs de la BITD (Base Industrielle et Technologique de Défense) ou DIB (Defense Industrial Base) aux Etats Unis qui se classent en deux (principales) équipes :
    • quelques grands « prime contractors » (par exemple : Thales, Bae Systems, Lockheed Martin, etc.)
    • des sous-traitants et fournisseurs spécialisés

Ces mêmes acteurs se retrouvent régulièrement autour des mêmes tables, dans les mêmes avions, que ce soit pour négocier de nouveaux contrats, gérer des programmes existants ou résoudre des différends. Inutile de préciser qu’avec un tel fonctionnement en circuit fermé, le contract manager devra s’évertuer à bâtir des relations de long termes avec toutes les parties prenantes.

b. La nécessaire adaptation du contract management

Dans cet environnement où tout le monde se connaît, les méthodes de contract management ainsi que les techniques de négociation standardisées trouvent vite leurs limites. Chaque relation doit être gérée sur mesure (ce qui n’empêche pas d’avoir un socle de best practices). En effet, un contract manager travaillant avec la DGA devra adopter des méthodes différentes de celles qu’il utilise avec le DE&S britannique, ou encore la GAMI ou SAMI saoudienne.

Ces interactions, souvent marquées par des relations personnelles de long terme, nécessitent plus qu’ailleurs de capitaliser sur le REX et la mémoire des précédents projets. Le contract manager doit ainsi développer une approche fine et adaptée à chaque partenaire, savoir documenter et tracer les écarts afin de s’en servir, dans le cadre de son projet voire même sur un projet futur.

IV. Des spécificités contractuelles

a. La sensibilité de l’information

Au cours de l’exécution de contrats de défense s’échangent fréquemment des informations dont la classification peut varier (à noter que depuis 2020 en France il n’existe plus que deux niveaux de classification : secret et très secret). Ainsi, qu’il s’agisse de spécifications techniques, de plans, d’études, de doctrine opérationnelle ou encore de concepts d’emploi, la notion de confidentialité est omniprésente.

La gestion documentaire devient alors un enjeu central du contract management : contrôle strict des accès, cryptage des fichiers, procédures de clearance, limitations de la diffusion d’informations, cloisonnement des équipes… le moindre manquement peut entraîner des conséquences majeures, tant sur le plan sécuritaire que contractuel. Cette gestion devient alors l’un des enjeux du contract management (le responsable reste souvent un officier de sécurité, mais le contract manager a souvent un rôle actif dans le RACI dédié à la gestion de l’information) tant les conséquences d’une fuite de données peuvent être dramatiques.

b. Autres obligations spécifiques

Au-delà de la confidentialité qui revêt une importance différente dans le secteur de la défense, le contract manager doit également composer avec une réglementation spécifique sur d’autres sujets :

  • L’export control (itar, ear, etc.)
  • Ethique des affaires et lutte contre la corruption
  • Les exigences de soutien en service et MCO souvent très longues et contraignantes
  • L’offset et le transfert de connaissances

Ces spécificités rendent la gestion contractuelle particulièrement complexe, et exigent du contract manager une parfaite compréhension des enjeux industriels, logistiques et stratégiques.

V. Des compétences et un profil spécifiques

a. Une double culture contractuelle et géopolitique

Le contract manager dans la défense doit posséder une culture contractuele solide, souvent très orientée sur l’international, mais aussi une très bonne compréhension des contraintes industrielles, des enjeux militaires ainsi que des alliances politiques comme industrielles.

Il doit souvent dialoguer aussi bien avec des juristes, des ingénieurs systèmes, des officiers d’état-major que des responsables politiques.

b. Des soft skills particulières

Au-delà des compétences techniques susvisées, qui s’ajoutent à celles généralement requises en contract management, certaines soft skills (ou qualités humaines) sont égalemen essentielles et constituent (du fait de leur prépondérance) une particularité du secteur :

  • diplomatie et capacité de négociation
  • grande discrétion
  • résilience
  • créativité
  • sens politique affûté

Armé de ces soft skills, le contract manager dans le secteur de la défense est à même trouver des compromis équilibrés, de trouver des solutions pour sortir d’impasses techniques ou calendaires parfois incontournables, et in fine de permettre la livraison de programmes complexes.

Conclusion : un rôle d’équilibriste au coeur d’enjeux politiques

A l’instar d’autres domaines (construction, IT, grands projets), le contract management progresse dans le secteur de la défense. Pour autant, il n’est pas aisé de passer d’un secteur à un autre, et encore moins de se reconvertir dans la défense.

Si le contract management nécessite, tous secteurs confondus, de savoir conjuguer droit des contrats, stratégie industrielle, complexité technique, supply chain et aléas, le secteur de la défense y ajoute une dimension politique et diplomatique. Chaque contrat de défense engage bien plus que des budgets : il participe à la souveraineté des Etats, à la stabilité des alliances et à la sécurité des nations.

Dans ce contexte, le contract manager devient un acteur clé, garant du bon équilibre entre les intérêts des différentes parties prenantes. sa capacité à manœuvrer avec finesse et discernement fait toute la différence dans un secteur où chaque décision peut avoir des conséquences systémiques.

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