Dans le cadre de notre série estivale sur les métiers en interface avec le contract management, nous donnons la parole à des professionnels dont le quotidien croise celui des contract managers. Après l’interview de Jean-François, Directeur de projet, place aujourd’hui à Anne-Marie Da Silva, responsable achats projet, qui nous partage sa vision de la collaboration entre achats et contract management, et pourquoi, selon elle, ce binôme est porteur de performance.
Le contract manager ? Un allié de l’acheteur pour assurer la performance fournisseur, pas un gardien du contrat !
Anne-Marie, en quelques mots, comment décrirais-tu en quelques mots ton rôle de responsable achats projet à quelqu’un qui pense encore que les achats, c’est juste négocier des prix ?
Le métier d’acheteur, c’est bien plus que négocier ! C’est faire en sorte que les projets ou nouveaux produits aboutissent, en respectant des exigences de qualité, de coût, de délais, le tout dans le respect d’un cadre contractuel et de contraintes marché/client. Il s’agit d’un métier qui demande polyvalence, qualités relationnelles et compréhension d’ensemble : ce n’est pas une simple recherche du meilleur prix, c’est un équilibre global à atteindre entre toutes les composantes.
Dans un projet, les parties prenantes sont nombreuses : chefs de projet, ingénieurs, juristes, contract managers… Quelle place occupe l’acheteur dans cet écosystème ?
L’acheteur projet est un maillon clé dans cet ensemble. Par exemple, dans les projets complexes, il intervient évidemment pour s’assurer que les équipements, fournitures ou services respectent les contraintes de coût, qualité et délais convenues, mais aussi comme interface pour mobiliser les bonnes ressources au bon moment, notamment les contract managers.
Du sourcing à la contractualisation, en passant par l’appel d’offres, l’acheteur projet est présent à chaque étape du processus achat, souvent en interface avec de nombreux interlocuteurs du projet, y compris le contract manager.
A quel moment estimes-tu qu’un contract manager peut aider l’acheteur projet ?
Le plus en amont possible, dès l’appel d’offres ! Pour illustrer avec un exemple : dans l’industrie automobile, j’ai vu beaucoup de décisions achat se prendre sans contract manager, uniquement avec un bureau d’études, et parfois avec le soutien ponctuel d’un juriste ou un avocat pour relire le contrat. Sauf qu’en pratique, personne ne s’est posé la question de comment le contrat allait réellement être exécuté: que ce soit en termes de maintenance, de gestion des non-conformités, etc.
Le contract manager doit idéalement intervenir dès la fin du sourcing. Dans le contexte mouvant que l’on connaît aujourd’hui, il faut que la relation contractuelle fasse partie intégrante du choix fournisseur. En pratique, les acheteurs n’ont pas toujours le temps de suivre tous les contrats, c’est là que le contract manager peut prendre le relais, assurer un suivi régulier, identifier les dérives ou écarts, notifier des non-conformités, etc.
As-tu souvent l’occasion de travailler avec des contract managers ?
Pas suffisamment ! Il m’arrive de travailler avec du support juridique(juristes ou avocats) sur du support ponctuel, par exemple de la rédaction de courriers de réclamation, mais j’ai encore assez rarement un contract manager dédié aux achats sur les projets. J’observe toutefois une tendance de fond avec de plus en plus d’entreprises qui s’intéressent au pilotage de contrats des fournisseurs et recherchent des profils hybrides, qu’il s’agisse de contract managers achats ou d’acheteurs expérimentés capables de piloter les contrats.
Peux-tu me donner un exemple d’une situation où un contrat mal géré t’a coûté cher ?
Oui ! Sans citer de noms, j’ai négocié des contrats pour la fourniture de grosses machines après un long processus. Tout semblait parfait… jusqu’au moment ou nous avons réalisé que les pièces détachées et consommables n’avaient pas été intégrés dans le scope du fournisseur. Résultat : l’économie réalisée lors des mois de négociation a été perdue ensuite.
A contrario, pourrais-tu nous parler d’une collaboration contractuelle réussie ?
Bien entendu. J’ai l’exemple d’un fournisseur qui à l’issue de la consultation s’est retrouvé vraiment moins cher que les autres, mais avec une certaine fragilité sur le plan qualité. Avec un binôme acheteur-contract manager, on peut contractualiser intelligemment: aider le fournisseur à monter en compétences, en échange de conditions tarifaires emisées. Le moins cher n’est pas toujours le meilleur, mais l’association d’un acheteur et d’un contract manager peut permettre deco-construire un cadre favorisant la performance.
Que penses-tu de la digitalisation des achats et des contrats ?
La digitalisation représente un vrai potentiel, notamment pour automatiser le suivi des contrats, même si à ce jour, j’ai surtout vu des contrathèques qui envoient des rappels.
J’imagine que dans un futur proche, nous aurons des solutions qui permettront de suivre les indicateurs contractuels en temps réel, comme les RFA, les engagements, les conditions commerciales… et permettront de s’affranchir du tableau Excel.
Selon toi, qu’est-ce qu’un contrat bien piloté côté achats ?
C’est assez simple : tu dois pouvoir sortir tes KPI achats tous les mois, les relier au contrat (taux de service, disponibilité, RFA, etc.). Si tu n’y arrives pas, c’est que ce n’est pas bien piloté. Après, la réalité du terrain, c’est qu’en tant qu’acheteur projet, tu n’as pas toujours le temps de réaliser un suivi aussi fin de chaque fournisseur, mais ici encore lecontract manager peut vraiment aider l’acheteur.
Un conseil pour mieux collaborer avec un contract manager ?
Il faut qu’il s’intègre à l’équipe projet, qu’il pose des questions, mais aussi qu’il échange avec l’acheteur pour délimiter clairement ses responsabilités et livrables. Et surtout, qu’il n’intervienne jamais seul auprès du fournisseur sans concerter l’acheteur! La relation fournisseur est précieuse. Il faut coordonner les actions, clarifier « qui fait quoi », pour avancer en équipe. C’est souvent le manque de communication qui génère les tensions ou des loupés.
Comment donner envie à un acheteur de se mettre au contract management ?
Il faut lui parler de performance, car l’acheteur est un performeur ! Le contrat, ce n’est pas un frein, c’est un levier de performance économique, qualité, relationnelle. Le contract manager apporte des solutions, ce n’est pas un simple « gardien du contrat ». Et il doit être curieux du monde: comprendre les marchés, les tendances, les fournisseurs. Il ne peut pas rester enfermé dans ses clauses.
Un dernier mot pour conclure ?
Le contract management, ce n’est pas un métier isolé. C’est un rouage essentiel pour que les achats deviennent plus performants, plus sécurisés, mais aussi plus humains. Et quand on travaille ensemble, on est plus forts.
Contract managers ont une vraie carte à jouer pour épauler les achats dans la performance fournisseurs (notamment via le procurement contract management), la collaboration est ainsi à renforcer pour créer des binômes performants !