Depuis plusieurs années, nous assistons à une inflation des pénalités logistiques dans la grande distribution. Ce phénomène accentué par les dernières crises (Covid-19, Guerre en Ukraine, inflation, etc.) qui ont bouleversé les marchés internationaux a amené les distributeurs à durcir les sanctions en cas de difficultés d’ordre logistique dans un but de diminution des retards ou des absences de livraisons, ou des livraisons de produits manquants ou non conformes.
A titre d’illustration, le montant des pénalités infligés par les enseignes de la grande distribution représenterait plus de 250 millions d’euros par an. Un préjudice financier considérable pour les industriels.
Dans ces conditions et dans la quête de solutions afin de limiter ce risque à l’aval, l’une des pistes consiste à remonter à l’amont de la chaîne afin de renforcer les obligations dans l’acquisition des matières premières ou en matière de transport et amoindrir les tensions d’approvisionnement.
Comment le contract manager peut-il accompagnement les différents services opérationnels dans cet objectif de réduction des pénalités logistiques ? Nous partageons notre réflexion sur ce sujet dans cet article.
Les pénalités logistiques un véritable enjeu dans les négociations commerciales
L’année 2022 a été annoncée comme une année record en termes de pénalités infligée par les enseignes de la grande distribution. Bien que ce système de sanction en cas de défaut de la part d’un fournisseur soit légitime, son impact financier et sur la rentabilité des entreprises est particulièrement significatif, à tel point qu’il est devenu ces deux dernières années un point majeur des négociations entre fournisseurs et distributeurs.
Tout comme les discussions sur les aspects purement commerciaux, les échanges sur l’encadrement des pénalités logistiques sont particulièrement musclés et le résultat qui est en découle est souvent mitigé. Les enjeux logistiques de chaque camp qui suivent des objectifs différents, le poids de chaque partie, la non-prise en compte des spécificités de l’industriel complexifient ces négociations.
Compte tenu de ces difficultés, miser le plus possible sur la sécurisation du sourcing à l’amont peut s’avérer être une stratégie payante (dans le sens positif du terme). La (re)négociation des contrats de fourniture de matières premières ou de prestations de services logistiques sous l’angle de la réduction des pénalités n’est pas non plus chose aisée et ce surtout dans un contexte économique défavorable marqué par les tensions d’approvisionnement et les difficultés à trouver de la main-d’œuvre, notamment dans l’acheminement des marchandises. En effet, il s’agit-là, en plus des exigences propres à la production, d’intégrer les contraintes à l’aval de la supply chain et des équipes commerciales de renforcer les obligations de ses fournisseurs ou prestataires.
L’appui d’un contract manager peut s’avérer pertinent afin de piloter ce processus, exprimer et prioriser clairement l’ensemble des besoins.
Quel rôle pour le contract manager dans le bon fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement ?
Le contract management joue très souvent un rôle important dans la minimisation des pénalités et l’optimisation des relations contractuelles à l’amont entre les parties impliquées.
L’une des principales fonctions du contract management est d’assurer une gestion efficace des contrats tout au long de leur cycle de vie. Cela comprend la négociation initiale, la mise place et en œuvre du contrat, le suivi des performances, et enfin, la résolution des litiges potentiels. Un pilotage contractuel bien mené peut contribuer au fléchissement des pénalités logistiques ou à un système de compensation en identifiant et en abordant les problèmes potentiels dès le début pour chaque partie.
L’intervention du contract manager peut se traduire de la manière suivante :
Préparation des négociations
Le contract manager collabore étroitement avec les équipes achats pour recueillir toutes les informations pertinentes sur les contrats existants, les performances passées des fournisseurs, la pertinence de la diversification des sources d’approvisionnement, les exigences opérationnelles ou encore, l’analyse approfondie des risques liés à la chaîne d’approvisionnement permet d’identifier les points critiques qui pourraient entraîner des pénuries.
Afin de parfaitement tenir compte de ces exigences, il fait le lien entre les services de la société en veillant à ce que les informations circulent de manière transparente. Cela permet de garantir une compréhension commune des attentes internes, de résoudre efficacement et conjointement les difficultés mises en avant.
En effectuant une analyse approfondie des risques établies ou potentiels, il aide à anticiper les défis qui pourraient survenir pendant les négociations. Ce travail va également le conduire à identifier les axes d’amélioration et les opportunités.
Il peut aider à identifier des fournisseurs potentiels, à évaluer les offres et à négocier des conditions favorables, en prenant en compte à la fois les aspects juridiques et les objectifs commerciaux.
Son rôle de catalyseur entre les différents services contribue dans cette phase de préparation à définir des objectifs clairs pour les négociations afin de sécuriser l’activité de production et de commercialisation de l’entreprise.
Accompagnement pendant les négociations
- Pendant les négociations, le contract manager participe activement aux échanges afin de s’assurer que les intérêts de l’ensemble des services de l’entreprise sont préservés et peut intervenir dans la résolution rapide des blocages émergents pour éviter tout retard dans le processus de négociation.
Il veillera à ce que toutes les parties comprennent pleinement leurs responsabilités et obligations, ainsi que les enjeux afin d’encadrer et d’atténuer au maximum le risque de manquement contractuel. En définissant clairement ces aspects, cela favorisera la mise en place de mécanismes pour faire face aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement ou aux problématiques avec une certaine réactivité et proactivité.
A l’issue de la négociation chaque partie doit donc disposer d’un contrat clair et précisant sans équivoque les exigences de l’industriel, notamment en ce qui concerne :
• La conformité des matières premières
• Le respect des exigences règlementaires et/ou légales
• Le respect des taux de service
• La sécurisation des volumes
• L’annonce rapide des ruptures ou des retards de livraison, leurs causes, la prise en charge de solutions de substitution, les délais de retour à la normale. La justification du manquement par l’industriel auprès du distributeur passera par la justification du fournisseur à son obligation contractuelle.
• L’application de pénalités en cas de manquement ou, éventuellement, la participation du fournisseur/prestataire à la prise en charge des pénalités logistiques infligés par les distributeurs, etc.
• La présence d’indicateurs de performance clés (KPI) liés à l’exécution du contrat. Cela permet une évaluation régulière de la performance du fournisseur ou prestataire, identifiant les domaines nécessitant des améliorations.
• Les adaptations du contrat en cas d’évolution du marché ou de la demande (mécanismes de révision des prix ou d’ajustements des volumes).
Assistance dans le suivi du contrat
Après la conclusion des négociations, et cela fait partie de ses missions, le contract manager travaille en lien avec les équipes opérationnelles suit l’exécution du contrat et sa performance. En cas de non-conformité ou de difficulté opérationnelle, il intervient rapidement pour résoudre les problèmes, réduisant ainsi les risques de litiges.
Pour cela, il est nécessaire de procéder à l’automatisation des processus qui est la clé s’un suivi efficient et de la réactivité des équipes. Plus on est réactif, plus vite on transmet l’information, plus vite on apporte des solutions afin de limiter la désorganisation logistique du distributeur, mieux on se prémunit des pénalités. Cette optimisation permet aussi d’identifier les inefficacités, les redondances et les lacunes dans le flux des échanges, et d’envisager des pistes d’amélioration.
L’observation régulière des KPI permet également de mettre en avant les faiblesses et d’œuvrer pour corriger le tir rapidement pour ne pas gonfler l’assiette des pénalités. En outre, cela peut, dans un processus d’amélioration de sa supply chain, servir de base pour la renégociation de contrats ou dans le cadre du choix de nouveaux partenaires commerciaux.
Conclusion
En conclusion, la gestion des pénalités logistiques surtout dans l’univers de la grande distribution nécessite une approche proactive et collaborative. Plutôt que de simplement réagir aux problèmes, les acteurs de la chaîne d’approvisionnement peuvent tirer parti de ces situations pour optimiser leurs processus d’achats, renforcer la résilience de la chaîne logistique, et améliorer la satisfaction client.
Le contract management par son accompagnement dans la gestion proactive des contrats aide à la mise en œuvre d’échanges et de mécanismes efficaces tant dans la phase préparatoire, dans la négociation et le suivi, permet une approche en faveur du renforcement de la résilience de la chaîne et mais aussi de la réduction des pénalités.